Version Moderne
Version Originale
Elle veut que je vous tienne compagnie en attendant ma voiture. C'est parfait, rien ne pouvait me faire plus plaisir. Les gens de grande valeur comme vous attirent l'amour et l'estime. Votre mérite a des charmes qui me touchent profondément. J'aimerais que la cour reconnaisse votre valeur. Ça me met en colère de voir qu'on ne fait rien pour vous.
Vous voyez, elle veut que je vous entretienne,
Attendant, un moment, que mon Carrosse vienne ;
Et jamais tous ses soins ne pouvaient m'offrir rien,
Qui me fût plus charmant, qu'un pareil Entretien.
En vérité, les Gens d'un Mérite sublime,
Entraînent de chacun, et l'amour, et l'estime ;
Et le vôtre, sans doute, a des Charmes secrets,
Qui font entrer mon Coeur dans tous vos intérêts.
Je voudrais que la Cour, par un regard propice,
À ce que vous valez, rendît plus de justice :
Vous avez à vous plaindre, et je suis en courroux,
Quand je vois, chaque jour, qu'on ne fait rien pour vous.
Moi ? Pourquoi aurais-je droit à quelque chose ? Qu'ai-je fait pour l'État ? Qu'ai-je accompli de si brillant pour me plaindre ?
Moi, Madame ! Et sur quoi pourrais-je en rien prétendre ?
Quel Service, à l'État, est-ce qu'on m'a vu rendre ?
Qu'ai-je fait, s'il vous plaît, de si brillant de soi,
Pour me plaindre à la Cour, qu'on ne fait rien pour moi ?
Tous ceux que la cour favorise n'ont pas rendu de grands services. Il faut l'occasion et le pouvoir. Votre mérite devrait...
Tous ceux, sur qui la Cour jette des yeux propices,
N'ont pas, toujours, rendu de ces fameux Services ;
Il faut l'Occasion, ainsi que le Pouvoir :
Et le Mérite, enfin, que vous nous faites voir,
Devrait...
Laissons mon mérite ! Pourquoi la cour s'en soucierait ? Elle a autre chose à faire que de chercher le mérite des gens.
Mon Dieu ! laissons mon Mérite, de grâce ;
De quoi voulez-vous, là, que la Cour s'embarrasse ?
Elle aurait fort à faire, et ses soins seraient grands,
D'avoir à déterrer le Mérite des Gens.
Le vrai mérite se fait remarquer tout seul. On parle beaucoup du vôtre. Hier, des gens importants vous ont loué.
Un Mérite éclatant se déterre lui-même ;
Du vôtre, en bien des Lieux, on fait un cas extrême ;
Et vous saurez, de moi, qu'en deux fort bons endroits,
Vous fûtes hier, loué par des Gens d'un grand poids.
Aujourd'hui on loue tout le monde ! Plus rien n'a de valeur. Être loué n'est plus un honneur. Les éloges pleuvent, même mon valet est dans la gazette.
Eh ! Madame, l'on loue, aujourd'hui, tout le Monde,
Et le Siècle, par là, n'a rien qu'on ne confonde ;
Tout est d'un grand Mérite également doué,
Ce n'est plus un Honneur, que de se voir loué ;
D'Éloges, on regorge ; à la tête, on les jette,
Et mon Valet de Chambre est mis dans la Gazette.
J'aimerais qu'une charge à la cour vous mette en valeur. Si vous le voulez, je peux faire jouer mes relations. J'ai des contacts qui vous ouvriront toutes les portes.
Pour moi, je voudrais bien, que pour vous montrer mieux,
Une Charge, à la Cour, vous pût frapper les yeux :
Pour peu que d'y songer vous nous fassiez les mines,
On peut, pour vous servir, remuer des Machines,
Et j'ai des Gens en main, que j'emploierai pour vous,
Qui vous feront, à tout, un Chemin assez doux.
Qu'est-ce que j'y ferais ? Mon caractère m'en éloigne. Je ne suis pas fait pour la cour. Je n'ai pas les qualités pour y réussir. Je suis franc et sincère, je ne sais pas manipuler. Qui ne sait pas cacher ses pensées doit fuir ce milieu. Loin de la cour, on n'a pas les titres et les honneurs, mais on n'a pas non plus à jouer la comédie, à subir les humiliations, à flatter les poètes médiocres et les dames prétentieuses, ni à supporter les marquis stupides.
Et que voudriez-vous, Madame, que j'y fisse ?
L'humeur dont je me sens, veut que je m'en bannisse ;
Le Ciel ne m'a point fait, en me donnant le Jour,
Une Âme compatible avec l'Air de la Cour.
Je ne me trouve point les Vertus nécessaires
Pour y bien réussir, et faire mes affaires.
Être franc, et sincère, est mon plus grand Talent,
Je ne sais point jouer les Hommes en parlant ;
Et qui n'a pas le don de cacher ce qu'il pense,
Doit faire, en ce Pays, fort peu de résidence.
Hors de la Cour, sans doute, on n'a pas cet appui,
Et ces Titres d'Honneur, qu'elle donne aujourd'hui ;
Mais on n'a pas, aussi, perdant ces Avantages,
Le chagrin de jouer de fort sots Personnages.
On n'a point à souffrir mille rebuts cruels,
On n'a point à louer les Vers de Messieurs Tels,
À donner de l'Encens à Madame une Telle,
Et de nos francs Marquis, essuyer la cervelle.
Laissons la cour. Mais je vous plains pour votre amour. Je vais être franche : vous méritez mieux. Celle que vous aimez n'est pas digne de vous.
Laissons, puisqu'il vous plaît, ce Chapitre de Cour,
Mais il faut que mon Coeur vous plaigne en votre amour ;
Et pour vous découvrir, là-dessus, mes pensées,
Je souhaiterais fort vos ardeurs mieux placées :
Vous méritez, sans doute, un Sort beaucoup plus doux,
Et celle qui vous charme, est indigne de vous.
Vous parlez de votre amie, vous savez ?
Mais, disant cela, songez-vous, je vous prie,
Que cette Personne est, Madame, votre Amie ?
Oui, mais ma conscience m'oblige à parler. Je ne peux plus voir ce qu'on vous fait. Votre situation me peine. On vous trompe.
Oui, mais ma Conscience est blessée en effet,
De souffrir, plus longtemps, le tort que l'on vous fait :
L'état où je vous vois, afflige trop mon Âme,
Et je vous donne avis, qu'on trahit votre flamme.
C'est gentil de votre part. Un amoureux apprécie ces conseils.
C'est me montrer, Madame, un tendre mouvement ;
Et de pareils avis obligent un Amant.
C'est mon amie, mais elle ne mérite pas un homme comme vous. Elle fait semblant de vous aimer.
Oui, toute mon Amie, elle est, et je la nomme
Indigne d'asservir le Coeur d'un galant Homme.
Et le sien n'a, pour vous, que de feintes douceurs.
C'est possible, on ne voit pas dans les cœurs. Mais vous auriez pu éviter de me mettre cette idée en tête.
Cela se peut, Madame, on ne voit pas les Coeurs ;
Mais votre charité se serait bien passée
De jeter, dans le mien, une telle pensée.
Si vous préférez rester aveugle, je me tais.
Si vous ne voulez pas être désabusé,
Il faut ne vous rien dire, il est assez aisé.
Non, mais les doutes sont pires que tout. Je préfère qu'on me montre des preuves claires.
Non ; mais sur ce sujet quoi que l'on nous expose,
Les doutes sont fâcheux, plus que toute autre chose ;
Et je voudrais, pour moi, qu'on ne me fît savoir
Que ce, qu'avec clarté, l'on peut me faire voir.
Très bien, vous aurez toute la lumière. Venez chez moi, je vous montrerai la preuve de son infidélité. Et si vous voulez regarder ailleurs, on pourra vous consoler.
Hé bien, c'est assez dit ; et, sur cette matière,
Vous allez recevoir une pleine lumière.
Oui, je veux que de tout, vos yeux vous fassent foi,
Donnez-moi, seulement, la main jusque chez moi.
Là, je vous ferai voir une preuve fidèle
De l'infidélité du Coeur de votre Belle ;
Et si, pour d'autres yeux, le vôtre peut brûler,
On pourra vous offrir de quoi vous consoler.