Version Moderne
Version Originale
Madame, vengez-moi ! Je viens de subir une offense qui a brisé toute ma résistance.
Ah ! faites-moi raison, Madame, d'une Offense
Qui vient de triompher de toute ma constance.
Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui vous met dans cet état ?
Qu'est-ce, donc ? qu'avez-vous qui vous puisse émouvoir ?
C'est insupportable, je pourrais en mourir. Même la fin du monde serait moins terrible. C'est fini... Mon amour... Je n'arrive pas à parler.
J'ai que, sans mourir, je ne puis concevoir ;
Et le Déchaînement de toute la Nature,
Ne m'accablerait pas, comme cette Aventure.
C'en est fait... mon amour... Je ne saurais parler.
Calmez-vous un peu !
Que votre Esprit, un peu, tâche à se rappeler !
Mon Dieu ! Comment peut-on être si belle et si ignoble à la fois ?
Ô juste Ciel ! faut-il qu'on joigne à tant de Grâces,
Les Vices odieux des Âmes les plus basses ?
Mais enfin, qui...
Mais, encor, qui vous peut...
Tout est fini ! Je suis trahi, assassiné ! Célimène... Qui l'aurait cru ? Célimène me trompe, elle est infidèle.
Ah ! tout est ruiné,
Je suis, je suis trahi, je suis assassiné :
Célimène... Eût-on pu croire cette nouvelle ?
Célimène me trompe, et n'est qu'une Infidèle.
Vous avez des preuves ?
Avez-vous, pour le croire, un juste fondement ?
C'est peut-être juste un soupçon. Votre jalousie vous fait imaginer des choses...
Peut-être, est-ce un Soupçon conçu légèrement,
Et votre esprit jaloux, prend, parfois des Chimères...
Occupez-vous de vos affaires ! J'ai la preuve de sa trahison dans ma poche, écrite de sa main. Oui madame, une lettre pour Oronte. Elle m'a déshonoré et s'est déshonorée. Oronte ! Je pensais qu'elle le fuyait, c'était le rival dont j'avais le moins peur.
Ah ! morbleu, mêlez-vous, Monsieur, de vos Affaires.
C'est de sa Trahison n'être que trop certain,
Que l'avoir, dans ma poche, écrite de sa main.
Oui, Madame, une Lettre écrite pour Oronte,
A produit, à mes yeux, ma disgrâce, et sa honte ;
Oronte, dont j'ai cru qu'elle fuyait les soins,
Et que, de mes Rivaux, je redoutais le moins.
Une lettre peut être mal interprétée. Ce n'est peut-être pas si grave.
Une Lettre peut bien tromper par l'apparence,
Et n'est pas, quelquefois si coupable, qu'on pense.
Laissez-moi tranquille et occupez-vous de vos affaires.
Monsieur, encore un coup, laissez-moi, s'il vous plaît,
Et ne prenez souci que de votre intérêt.
Vous devriez vous calmer...
Vous devez modérer vos transports, et l'outrage...
Madame, c'est à vous de m'aider. Mon cœur se tourne vers vous pour se libérer de cette douleur. Vengez-moi de votre cousine ingrate et perfide qui trahit mon amour sincère. Cette trahison devrait vous horrifier.
Madame, c'est à vous qu'appartient cet Ouvrage,
C'est à vous, que mon Cœur a recours, aujourd'hui,
Pour pouvoir s'affranchir de son cuisant ennui.
Vengez-moi d'une ingrate, et perfide Parente,
Qui trahit, lâchement, une ardeur si constante ;
Vengez-moi de ce trait qui doit vous faire horreur.
Vous venger ? Comment ?
Moi, vous venger ! Comment ?
En acceptant mon cœur. Prenez-le à la place de l'infidèle. C'est ma vengeance. Je vais la punir en vous offrant mon amour sincère, mon respect, mon dévouement total.
En recevant mon Cœur.
Acceptez-le, Madame, au lieu de l'Infidèle,
C'est par là, que je puis prendre vengeance d'elle :
Et je la veux punir par les sincères Vœux,
Par le profond Amour, les Soins respectueux,
Les Devoirs empressés et l'assidu Service
Dont ce Cœur va vous faire un ardent Sacrifice.
Je comprends votre souffrance et j'apprécie votre offre. Mais c'est peut-être moins grave que vous pensez. Vous oublierez cette envie de vengeance. Quand on aime quelqu'un de séduisant, on fait des projets qu'on ne réalise jamais. On a beau avoir de bonnes raisons de rompre, une coupable qu'on aime redevient vite innocente. La colère passe facilement. On connaît les colères d'amoureux.
Je compatis, sans doute, à ce que vous souffrez,
Et ne méprise point le Cœur que vous m'offrez :
Mais, peut-être, le Mal n'est pas si grand qu'on pense,
Et vous pourrez quitter ce Désir de Vengeance.
Lorsque l'Injure part d'un Objet plein d'Appas,
On fait force Desseins, qu'on n'exécute pas :
On a beau voir, pour rompre, une Raison puissante,
Une Coupable aimée, est, bientôt, innocente ;
Tout le mal qu'on lui veut, se dissipe aisément,
Et l'on sait ce que c'est, qu'un Courroux d'un Amant.
Non madame, l'offense est trop grave. C'est fini, je romps avec elle. Rien ne me fera changer d'avis. Je me mépriserais de l'aimer encore. La voilà. Ma colère redouble. Je vais lui dire ce que je pense de sa noirceur, la confondre totalement. Après ça, mon cœur sera libre et je vous le donnerai.
Non, non, Madame, non, l'Offense est trop mortelle,
Il n'est point de retour, et je romps avec elle ;
Rien ne saurait changer le Dessein que j'en fais,
Et je me punirais, de l'estimer jamais.
La voici. Mon Courroux redouble à cette approche,
Je vais, de sa noirceur, lui faire un vif reproche,
Pleinement, la confondre, et vous porter, après,
Un Cœur tout dégagé de ses trompeurs Attraits.