Version Moderne
Version Originale
Mon Dieu ! Comment me contrôler ?
Ô Ciel ! de mes Transports, puis-je être, ici, le Maître ?
Qu'est-ce qui vous arrive ? Pourquoi ces soupirs et ces regards noirs ?
Ouais, quel est donc, le trouble, où je vous vois paraître ?
Et que me veulent dire, et ces Soupirs poussés,
Et ces sombres Regards que, sur moi, vous lancez ?
Aucune horreur n'égale votre trahison. Ni le destin, ni les démons, ni Dieu n'ont créé pire que vous.
Que toutes les Horreurs, dont une Âme est capable,
À vos Déloyautés, n'ont rien de comparable :
Que le Sort, les Démons, et le Ciel, en courroux,
N'ont, jamais, rien produit de si méchant que vous.
Charmant, vraiment.
Voilà, certainement, des Douceurs que j'admire.
Ne riez pas, ce n'est pas drôle. Rougissez plutôt, j'ai des preuves de votre trahison. Mon inquiétude était justifiée. Mes soupçons qu'on trouvait ridicules cherchaient la vérité que j'ai découverte. Malgré vos mensonges, mon instinct m'avertissait. Mais ne croyez pas que je vais accepter cet affront sans me venger. Je sais qu'on ne commande pas l'amour, qu'on ne force pas un cœur. Je n'aurais rien à dire si vous aviez été franche, si vous m'aviez rejeté dès le début. Mais m'encourager par des mensonges, c'est une trahison qui mérite punition. Je peux tout me permettre maintenant. Craignez tout, je ne me contrôle plus. Je suis fou de rage. Vous m'avez détruit, je ne réponds plus de rien.
Ah ! ne plaisantez point, il n'est pas temps de rire,
Rougissez, bien plutôt, vous en avez raison :
Et j'ai de sûrs Témoins de votre Trahison.
Voilà ce que marquaient les Troubles de mon Âme,
Ce n'était pas en vain, que s'alarmait ma flamme :
Par ces fréquents Soupçons, qu'on trouvait odieux,
Je cherchais le malheur qu'ont rencontré mes yeux :
Et malgré tous vos soins, et votre adresse à feindre,
Mon Astre me disait, ce que j'avais à craindre :
Mais ne présumez pas que, sans être vengé,
Je souffre le Dépit de me voir outragé.
Je sais que, sur les Vœux, on n'a point de puissance,
Que l'Amour veut, partout, naître sans Dépendance ;
Que jamais, par la force, on n'entra dans un Cœur,
Et que toute Âme est libre à nommer son Vainqueur.
Aussi ne trouverais-je aucun sujet de Plainte,
Si, pour moi, votre Bouche avait parlé sans feinte ;
Et, rejetant mes vœux dès le premier abord,
Mon Cœur n'aurait eu droit de s'en prendre qu'au Sort.
Mais, d'un Aveu trompeur, voir ma Flamme applaudie,
C'est une Trahison, c'est une Perfidie,
Qui ne saurait trouver de trop grands Châtiments :
Et je puis tout permettre à mes Ressentiments.
Oui, oui, redoutez tout, après un tel Outrage,
Je ne suis plus à moi, je suis tout à la Rage :
Percé du Coup mortel dont vous m'assassinez,
Mes Sens, par la Raison, ne sont plus gouvernés ;
Je cède aux Mouvements d'une juste Colère,
Et je ne réponds pas de ce que je puis faire.
Mais enfin, pourquoi cette crise ? Vous avez perdu la tête ?
D'où vient, donc, je vous prie, un tel Emportement ?
Avez-vous, dites-moi, perdu le Jugement ?
Oui, j'ai perdu la tête le jour où je vous ai vue, où j'ai avalé le poison qui me tue. J'ai cru à votre sincérité, j'ai été piégé par votre beauté.
Oui, oui, je l'ai perdu, lorsque dans votre vue
J'ai pris, pour mon Malheur, le Poison qui me tue,
Et que j'ai cru trouver quelque Sincérité
Dans les traîtres Appas dont je fus enchanté.
Quelle trahison ?
De quelle Trahison pouvez-vous, donc, vous plaindre ?
Vous mentez si bien ! Mais j'ai de quoi vous confondre. Regardez, reconnaissez votre écriture. Cette lettre prouve tout. Vous ne pouvez rien dire contre ça.
Ah ! que ce Cœur est double, et sait bien l'Art de feindre !
Mais, pour le mettre à bout, j'ai des Moyens tout prêts :
Jetez ici les yeux, et connaissez vos Traits ;
Ce Billet découvert, suffit pour vous confondre,
Et, contre ce Témoin, on n'a rien à répondre.
C'est ça qui vous met dans cet état ?
Voilà, donc, le Sujet qui vous trouble l'Esprit ?
Vous ne rougissez pas ?
Vous ne rougissez pas, en voyant cet Écrit ?
Pourquoi je rougirais ?
Et par quelle Raison faut-il que j'en rougisse ?
Vous osez mentir en plus ? Vous allez nier parce qu'elle n'est pas signée ?
Quoi ! vous joignez, ici, l'Audace, à l'Artifice ?
Le désavouerez-vous, pour n'avoir point de seing ?
Pourquoi nier ? C'est bien mon écriture.
Pourquoi désavouer un Billet de ma main ?
Et ça ne vous gêne pas, ce que cette lettre révèle ?
Et vous pouvez le voir, sans demeurer confuse
Du Crime dont, vers moi, son Style vous accuse ?
Vous êtes complètement fou.
Vous êtes, sans mentir, un grand Extravagant.
Vous niez cette preuve ? Cette tendresse pour Oronte ne vous fait pas honte ?
Quoi ? vous bravez, ainsi, ce Témoin convaincant ?
Et ce qu'il m'a fait voir de douceur pour Oronte,
N'a, donc, rien qui m'outrage, et qui vous fasse honte ?
Oronte ? Qui dit que c'est pour lui ?
Oronte ! Qui vous dit que la Lettre est pour lui ?
Ceux qui me l'ont donnée. Mais admettons que ce soit pour un autre. Ça change quoi ? Vous m'avez quand même trahi.
Les Gens qui, dans mes mains, l'ont remise, aujourd'hui.
Mais je veux consentir qu'elle soit pour un autre,
Mon Cœur en a-t-il moins à se plaindre du vôtre ?
En serez-vous, vers moi, moins coupable en effet ?
Et si c'était pour une femme ? En quoi ça vous concerne ?
Mais, si c'est une Femme à qui va ce Billet,
En quoi vous blesse-t-il ? et qu'a-t-il de coupable ?
Belle excuse ! Je ne m'y attendais pas. Maintenant j'en suis sûr. Vous me prenez pour un idiot ? Allez-y, expliquez-moi comment cette lettre passionnée pourrait être pour une femme. Justifiez votre trahison, je vais la lire...
Ah ! le Détour est bon, et l'Excuse admirable,
Je ne m'attendais pas, je l'avoue, à ce Trait :
Et me voilà, par là, convaincu tout à fait.
Osez-vous recourir à ces Ruses grossières,
Et croyez-vous les Gens si privés de Lumières ?
Voyons, voyons, un peu, par quel biais, de quel air,
Vous voulez soutenir un Mensonge si clair :
Et comment vous pourrez tourner, pour une Femme,
Tous les Mots d'un Billet qui montre tant de flamme ?
Ajustez, pour couvrir un manquement de Foi,
Ce que je m'en vais lire...
Ça ne me plaît pas. Vous êtes gonflé de me parler comme ça.
Il ne me plaît pas, moi.
Je vous trouve plaisant, d'user d'un tel Empire,
Et de me dire, au nez, ce que vous m'osez dire.
Calmement alors, expliquez-moi ces mots.
Non, non, sans s'emporter, prenez, un peu, souci
De me justifier les Termes que voici.
Non. Pensez ce que vous voulez, je m'en moque.
Non, je n'en veux rien faire ; et, dans cette occurrence,
Tout ce que vous croirez, m'est de peu d'importance.
S'il vous plaît, prouvez-moi que c'est pour une femme.
De grâce, montrez-moi, je serai satisfait,
Qu'on peut, pour une Femme, expliquer ce Billet.
Non, c'est pour Oronte, croyez-le. J'adore ses attentions, j'admire tout chez lui. D'accord ? Faites ce que vous voulez et laissez-moi tranquille.
Non, il est pour Oronte, et je veux qu'on le croie,
Je reçois tous ses Soins, avec beaucoup de joie,
J'admire ce qu'il dit, j'estime ce qu'il est ;
Et je tombe d'accord de tout ce qu'il vous plaît.
Faites, prenez Parti, que rien ne vous arrête,
Et ne me rompez pas, davantage, la tête.
Mon Dieu ! Peut-on être plus cruel ? Je viens me plaindre et c'est moi qu'on attaque ! Vous aggravez ma douleur, vous confirmez mes soupçons, vous avouez tout. Et moi, lâche que je suis, je ne peux pas rompre cette chaîne, je ne peux pas vous mépriser alors que vous me trahissez ! Vous exploitez si bien ma faiblesse, vous profitez de mon amour fou ! Au moins, défendez-vous, arrêtez de jouer la coupable. Dites-moi que cette lettre est innocente, je veux vous croire. Faites semblant d'être fidèle et je ferai semblant de vous croire.
Ciel ! rien de plus cruel peut-il être inventé :
Et, jamais, Cœur fut-il de la sorte traité ?
Quoi ! d'un juste Courroux je suis ému contre elle,
C'est moi qui me viens plaindre, et c'est moi qu'on querelle !
On pousse ma Douleur, et mes Soupçons à bout,
On me laisse tout croire, on fait gloire de tout ;
Et, cependant, mon Cœur est, encore, assez lâche,
Pour ne pouvoir briser la Chaîne qui l'attache,
Et pour ne pas s'armer d'un généreux Mépris
Contre l'ingrat Objet dont il est trop épris !
Ah ! que vous savez bien, ici, contre moi-même,
Perfide, vous servir de ma faiblesse extrême,
Et ménager, pour vous, l'excès prodigieux
De ce fatal Amour, né de vos traîtres yeux !
Défendez-vous, au moins, d'un Crime qui m'accable,
Et cessez d'affecter d'être, envers moi, coupable ;
Rendez-moi, s'il se peut, ce Billet innocent,
À vous prêter les mains ma Tendresse consent ;
Efforcez-vous, ici, de paraître fidèle,
Et je m'efforcerai, moi, de vous croire telle.
Vous êtes fou avec votre jalousie. Vous ne méritez pas qu'on vous aime. Pourquoi je mentirais ? Si j'aimais ailleurs, je vous le dirais franchement. Mon aveu d'amour ne suffit pas contre vos soupçons ? Vous m'insultez en doutant. Une femme fait un effort énorme pour avouer qu'elle aime, c'est contraire à notre honneur. Et vous, vous doutez après un tel aveu ? Vos soupçons sont insultants. Vous ne méritez rien. Je suis idiote de vous aimer encore. Je devrais aller voir ailleurs et vous donner de vraies raisons de vous plaindre.
Allez, vous êtes fou, dans vos Transports jaloux,
Et ne méritez pas l'amour qu'on a pour vous.
Je voudrais bien savoir, qui pourrait me contraindre
À descendre, pour vous, aux Bassesses de feindre :
Et pourquoi, si mon Cœur penchait d'autre côté,
Je ne le dirais pas avec sincérité ?
Quoi ! de mes Sentiments l'obligeante Assurance,
Contre tous vos Soupçons, ne prend pas ma défense ?
Auprès d'un tel Garant, sont-ils de quelque poids ?
N'est-ce pas m'outrager, que d'écouter leur voix ?
Et puisque notre Cœur fait un effort extrême,
Lorsqu'il peut se résoudre à confesser qu'il aime ;
Puisque l'Honneur du Sexe, Ennemi de nos Feux,
S'oppose fortement à de pareils Aveux ;
L'Amant qui voit, pour lui, franchir un tel obstacle,
Doit-il, impunément, douter de cet Oracle,
Et n'est-il pas coupable, en ne s'assurant pas,
À ce qu'on ne dit point qu'après de grands combats ?
Allez, de tels Soupçons méritent ma colère,
Et vous ne valez pas que l'on vous considère :
Je suis Sotte, et veux mal à ma Simplicité,
De conserver, encor, pour vous, quelque bonté ;
Je devrais, autre part, attacher mon Estime,
Et vous faire un sujet de Plainte légitime.
Traîtresse ! Je suis trop faible avec vous. Vos mots doux me trompent. Mais tant pis, c'est mon destin. Mon âme vous appartient. Je verrai bien jusqu'où vous irez dans la trahison.
Ah ! Traîtresse, mon Faible est étrange pour vous !
Vous me trompez, sans doute, avec des Mots si doux :
Mais, il n'importe, il faut suivre ma Destinée,
À votre Foi, mon Âme est toute abandonnée,
Je veux voir, jusqu'au bout, quel sera votre Cœur :
Et si, de me trahir, il aura la Noirceur.
Vous ne m'aimez pas vraiment.
Non, vous ne m'aimez point, comme il faut que l'on aime.
Mon amour est incomparable ! Il est si fort que je souhaite votre malheur. Je voudrais que personne ne vous aime, que vous soyez misérable, sans naissance, sans rang, sans argent. Alors mon amour pourrait tout vous donner. J'aurais la gloire de vous sauver, vous ne devriez tout qu'à moi.
Ah ! rien n'est comparable à mon amour extrême ;
Et, dans l'ardeur qu'il a de se montrer à tous,
Il va jusqu'à former des Souhaits contre vous.
Oui, je voudrais qu'aucun ne vous trouvât aimable,
Que vous fussiez réduite en un Sort misérable,
Que le Ciel, en naissant, ne vous eût donné rien,
Que vous n'eussiez ni Rang, ni Naissance, ni Bien,
Afin que, de mon Cœur, l'éclatant Sacrifice,
Vous pût d'un pareil Sort, réparer l'Injustice :
Et que j'eusse la joie, et la gloire, en ce jour,
De vous voir tenir tout, des mains de mon Amour.
Drôle de façon de m'aimer ! Dieu me garde... Voilà Monsieur Du Bois, dans un drôle d'état.
C'est me vouloir du Bien d'une étrange manière !
Me préserve le Ciel que vous ayez matière...
Voici Monsieur Du Bois, plaisamment figuré.