Acte I, scène 4

Le retour d'Orgon - Et Tartuffe ?

Orgon rentre de voyage et demande immédiatement des nouvelles de la maison à Dorine, empêchant Cléante de lui parler. Dans un échange devenu célèbre, Dorine raconte la maladie d'Elmire (fièvre, migraine, insomnie, saignée) mais Orgon ne s'inquiète que de Tartuffe, répétant obsessionnellement "Et Tartuffe ?" puis "Le pauvre homme !" alors que Tartuffe se porte parfaitement bien, mange comme quatre et dort paisiblement. Cette scène illustre brillamment l'obsession maladive d'Orgon pour Tartuffe et son indifférence totale pour sa propre femme malade. L'ironie de Dorine souligne l'absurdité de la situation. Cette scène comique est l'une des plus célèbres de la pièce, montrant par la répétition mécanique combien Orgon est aliéné par sa dévotion pour Tartuffe.

Orgon

Orgon
Mari d'Elmire, père de Damis et de Mariane

Cléante

Cléante
Beau-frère d'Orgon,

Dorine

Dorine
Servante de Mariane

Version Moderne

Version Originale

Orgon
Ah, mon frère, bonjour.
Ah, mon Frère, bonjour.
Cléante
J'allais partir, mais je suis content de vous voir rentré. La campagne n'est pas très belle en ce moment.
Je sortais, et j'ai joie à vous voir de retour : La Campagne, à présent, n'est pas beaucoup fleurie.
Orgon
Dorine ! Mon beau-frère, attendez un instant. Permettez-moi de prendre des nouvelles de la maison. Tout s'est bien passé pendant ces deux jours ? Comment va tout le monde ?
Dorine, mon Beau-frère, attendez, je vous prie. Vous voulez bien souffrir, pour m'ôter de souci, Que je m'informe un peu des nouvelles d'ici. Tout s'est-il, ces deux jours, passé de bonne sorte ? Qu'est-ce qu'on fait céans ? comme est-ce qu'on s'y porte ?
Dorine
Madame a eu de la fièvre avant-hier jusqu'au soir, avec une terrible migraine.
Madame eut, avant-hier, la fièvre jusqu'au soir, Avec un mal de tête étrange à concevoir.
Orgon
Et Tartuffe ?
Et Tartuffe ?
Dorine
Tartuffe ? Il va merveilleusement bien, gros et gras, le teint frais, les lèvres roses.
Tartuffe ? Il se porte à merveille, Gros, et gras, le teint frais, et la bouche vermeille.
Orgon
Le pauvre homme !
Le pauvre Homme !
Dorine
Le soir, elle n'avait aucun appétit et n'a rien pu manger au dîner tellement elle avait mal à la tête.
Le soir elle eut un grand dégoût, Et ne put au Souper toucher à rien du tout, Tant sa douleur de tête était encor cruelle.
Orgon
Et Tartuffe ?
Et Tartuffe ?
Dorine
Il a dîné seul devant elle et a dévotement englouti deux perdrix et un demi-gigot en hachis.
Il soupa, lui tout seul, devant elle, Et fort dévotement il mangea deux Perdrix, Avec une moitié de Gigot en hachis.
Orgon
Le pauvre homme !
Le pauvre Homme !
Dorine
Elle n'a pas fermé l'œil de la nuit, brûlante de fièvre. On a dû la veiller jusqu'au matin.
La nuit se passa toute entière, Sans qu'elle pût fermer un moment la paupière ; Des chaleurs l'empêchaient de pouvoir sommeiller, Et jusqu'au jour, près d'elle, il nous fallut veiller.
Orgon
Et Tartuffe ?
Et Tartuffe ?
Dorine
Pris d'une agréable fatigue après le repas, il est allé dans sa chambre, s'est mis dans son lit bien chaud et a dormi paisiblement jusqu'au matin.
Pressé d'un sommeil agréable, Il passa dans sa Chambre, au sortir de la Table ; Et dans son Lit bien chaud, il se mit tout soudain, Où sans trouble il dormit jusques au lendemain.
Orgon
Le pauvre homme !
Le pauvre Homme !
Dorine
Finalement, on l'a convaincue de se faire saigner et elle s'est sentie mieux tout de suite.
À la fin, par nos raisons gagnée, Elle se résolut à souffrir la saignée, Et le soulagement suivit tout aussitôt.
Orgon
Et Tartuffe ?
Et Tartuffe ?
Dorine
Il a repris courage et pour compenser le sang que madame avait perdu, il a bu quatre grands verres de vin au petit-déjeuner.
Il reprit courage comme il faut ; Et contre tous les maux fortifiant son âme, Pour réparer le sang qu'avait perdu Madame, But à son déjeuner, quatre grands coups de Vin.
Orgon
Le pauvre homme !
Le pauvre Homme !
Dorine
Bref, ils vont bien tous les deux. Je vais dire à madame comme vous vous inquiétez pour sa santé.
Tous deux se portent bien enfin ; Et je vais à Madame annoncer par avance, La part que vous prenez à sa convalescence.
Molière
Écrit par Molière Suivre