Version Moderne
Version Originale
On raconte une nouvelle que j'ignorais, madame, et qui doit être charmante.
On vient de débiter, Madame, une nouvelle,
Que je ne savais pas, et qui sans doute est belle.
Que vous épousez Tartuffe.
Que vous épousez Tartuffe.
C'est vrai, mon père a cette idée en tête.
Il est certain
Que mon Père s'est mis en tête ce dessein.
Votre père, madame...
Votre Père, Madame...
A changé d'avis. Il vient de me le proposer.
A changé de visée.
La chose vient par lui de m'être proposée.
Sérieusement ?
Quoi, sérieusement ?
Oui, sérieusement. Il veut ce mariage.
Oui, sérieusement ;
Il s'est, pour cet hymen, déclaré hautement.
Et qu'avez-vous décidé, madame ?
Et quel est le dessein où votre âme s'arrête,
Madame ?
Je ne sais pas.
Je ne sais.
Charmante réponse. Vous ne savez pas ?
La réponse est honnête.
Vous ne savez ?
Que me conseillez-vous ?
Que me conseillez-vous ?
Je vous conseille d'accepter ce mari.
Je vous conseille, moi, de prendre cet Époux.
Vous me le conseillez ?
Vous me le conseillez ?
Bien sûr. C'est un choix glorieux.
Sans doute.
Le choix est glorieux, et vaut bien qu'on l'écoute.
Très bien, monsieur, je note votre conseil.
Hé bien, c'est un conseil, Monsieur, que je reçois.
Ça ne vous sera pas difficile de le suivre.
Vous n'aurez pas grand-peine à le suivre, je crois.
Pas plus qu'il ne vous a été difficile de le donner.
Pas plus qu'à le donner en a souffert votre âme.
Je l'ai donné pour vous faire plaisir, madame.
Moi, je vous l'ai donné pour vous plaire, Madame.
Et je le suivrai pour vous faire plaisir.
Et moi, je le suivrai, pour vous faire plaisir.
Voyons où ça va mener.
Voyons ce qui pourra de ceci réussir.
C'est comme ça que vous aimez ? Vous mentiez quand...
C'est donc ainsi qu'on aime ? Et c'était tromperie,
Quand vous...
N'en parlons plus. Vous m'avez dit franchement d'accepter celui qu'on me propose, et je vais le faire puisque c'est votre excellent conseil.
Ne parlons point de cela, je vous prie.
Vous m'avez dit tout franc, que je dois accepter
Celui que, pour Époux, on me veut présenter :
Et je déclare, moi, que je prétends le faire,
Puisque vous m'en donnez le conseil salutaire.
Ne me blâmez pas. Vous aviez déjà décidé et vous prenez ce prétexte pour rompre votre promesse.
Ne vous excusez point sur mes intentions.
Vous aviez pris déjà vos résolutions ;
Et vous vous saisissez d'un prétexte frivole,
Pour vous autoriser à manquer de parole.
C'est vrai, bien dit.
Il est vrai, c'est bien dit.
Évidemment, vous ne m'avez jamais vraiment aimé.
Sans doute, et votre cœur
N'a jamais eu pour moi de véritable ardeur.
Hélas ! Pensez ce que vous voulez.
Hélas ! permis à vous d'avoir cette pensée.
Oui, je pense ce que je veux. Mais je vous devancerai et je sais où porter mon amour.
Oui, oui, permis à moi ; mais mon âme offensée
Vous préviendra, peut-être, en un pareil dessein ;
Et je sais où porter, et mes vœux, et ma main.
Je n'en doute pas, votre mérite attire...
Ah ! je n'en doute point ; et les ardeurs qu'excite
Le mérite...
Laissons mon mérite, j'en ai peu et vous le prouvez. Mais j'espère qu'une autre sera plus gentille et acceptera de me consoler.
Mon Dieu, laissons là le mérite ;
J'en ai fort peu, sans doute, et vous en faites foi :
Mais j'espère aux bontés qu'une autre aura pour moi ;
Et j'en sais de qui l'âme, à ma retraite ouverte,
Consentira sans honte à réparer ma perte.
La perte n'est pas grande, vous vous consolerez facilement.
La perte n'est pas grande, et de ce changement
Vous vous consolerez assez facilement.
Je ferai de mon mieux, croyez-moi. Quand on nous oublie, l'honneur exige qu'on oublie aussi, ou au moins qu'on fasse semblant. C'est lâche de montrer de l'amour pour qui nous abandonne.
J'y ferai mon possible, et vous le pouvez croire.
Un cœur qui nous oublie, engage notre gloire.
Il faut à l'oublier, mettre aussi tous nos soins.
Si l'on n'en vient à bout, on le doit feindre au moins ;
Et cette lâcheté jamais ne se pardonne,
De montrer de l'amour pour qui nous abandonne.
Quel noble sentiment !
Ce sentiment, sans doute, est noble, et relevé.
Tout le monde l'approuve. Vous voudriez que je reste amoureux de vous pour toujours pendant que vous épousez un autre ? Que je ne donne pas mon cœur ailleurs ?
Fort bien, et d'un chacun il doit être approuvé.
Hé quoi ! vous voudriez qu'à jamais, dans mon âme,
Je gardasse pour vous les ardeurs de ma flamme ?
Et vous visse, à mes yeux, passer en d'autres bras,
Sans mettre ailleurs un cœur dont vous ne voulez pas ?
Au contraire, c'est ce que je souhaite. J'aimerais que ce soit déjà fait.
Au contraire, pour moi, c'est ce que je souhaite ;
Et je voudrais déjà que la chose fût faite.
Vous le voudriez ?
Vous le voudriez ?
C'est assez m'insulter. Je vais vous satisfaire tout de suite.
C'est assez m'insulter,
Madame, et de ce pas je vais vous contenter.
Souvenez-vous que c'est vous qui me forcez à cet extrême.
Souvenez-vous au moins, que c'est vous-même
Qui contraignez mon cœur à cet effort extrême.
Et je ne fais que suivre votre exemple.
Et que le dessein que mon âme conçoit,
N'est rien qu'à votre exemple.
Mon exemple, soit.
À mon exemple, soit.
Parfait. Vous allez être exaucée.
Suffit ; vous allez être à point nommé servie.
Vous me voyez pour la dernière fois.
Vous me voyez, c'est pour toute ma vie.
Parfait.
À la bonne heure.
Vous ne m'appelez pas ?
Ne m'appelez-vous pas ?
Moi ? Vous rêvez.
Moi ! vous rêvez.
Bon, je m'en vais alors. Adieu, madame.
Hé bien, je poursuis donc mes pas.
Adieu, Madame.
Adieu, monsieur.
Adieu, Monsieur.
Vous êtes fous tous les deux ! Je vous ai laissés vous disputer pour voir jusqu'où ça irait. Hé, monsieur Valère !
Pour moi, je pense
Que vous perdez l'esprit, par cette extravagance ;
Et je vous ai laissé tout du long quereller,
Pour voir où tout cela pourrait enfin aller.
Holà, Seigneur Valère.
Que veux-tu, Dorine ?
Hé, que veux-tu, Dorine ?
Non, je suis trop fâché. Laisse-moi faire ce qu'elle veut.
Non, non, le dépit me domine.
Ne me détourne point de ce qu'elle a voulu.
Non, c'est décidé.
Non, vois-tu, c'est un point résolu.
Ma présence le fait souffrir, je ferais mieux de partir.
Il souffre à me voir, ma présence le chasse ;
Et je ferai bien mieux, de lui quitter la place.
Où allez-vous ?
À l'autre. Où courez-vous ?
Revenez.
Il faut revenir.
Non, Dorine, n'insiste pas.
Non, non, Dorine, en vain tu veux me retenir.
Je vois que ma vue la torture, je ferais mieux de partir.
Je vois bien que ma vue est pour elle un supplice ;
Et sans doute, il vaut mieux que je l'en affranchisse.
Encore ? Au diable si je vous laisse faire ! Arrêtez cette comédie et venez ici tous les deux.
Encor ? Diantre soit fait de vous, si je le veux.
Cessez ce badinage, et venez çà tous deux.
Qu'est-ce que tu veux ?
Mais quel est ton dessein ?
Qu'est-ce que tu fais ?
Qu'est-ce que tu veux faire ?
Vous réconcilier et vous sortir de là. Vous êtes fou de vous disputer comme ça ?
Vous bien remettre ensemble, et vous tirer d'affaire.
Êtes-vous fou, d'avoir un pareil démêlé ?
Tu n'as pas entendu comment elle m'a parlé ?
N'as-tu pas entendu comme elle m'a parlé ?
Et vous, vous êtes folle de vous emporter ?
Êtes-vous folle, vous, de vous être emportée ?
Tu n'as pas vu comment il m'a traitée ?
N'as-tu pas vu la chose, et comme il m'a traitée ?
Vous êtes bêtes tous les deux. Elle ne veut que vous, j'en témoigne. Et lui ne veut que vous épouser, j'en mets ma main au feu.
Sottise des deux parts. Elle n'a d'autre soin,
Que de se conserver à vous, j'en suis témoin.
Il n'aime que vous seule, et n'a point d'autre envie
Que d'être votre Époux ; j'en réponds sur ma vie.
Pourquoi m'avoir donné ce conseil alors ?
Pourquoi donc me donner un semblable conseil ?
Pourquoi me demander conseil là-dessus ?
Pourquoi m'en demander sur un sujet pareil ?
Vous êtes fous. Donnez-vous la main. Allez, vous.
Vous êtes fous tous deux. Çà, la main l'un, et l'autre.
Allons, vous.
Pourquoi ma main ?
À quoi bon ma main ?
Et vous, la vôtre.
Ah ! çà, la vôtre.
À quoi ça sert ?
De quoi sert tout cela ?
Allez, vite ! Vous vous aimez plus que vous ne croyez.
Mon Dieu, vite, avancez.
Vous vous aimez tous deux plus que vous ne pensez.
Ne fais pas ça à contrecœur et regarde-moi sans haine.
Mais ne faites donc point les choses avec peine,
Et regardez un peu les Gens sans nulle haine.
Franchement, les amoureux sont vraiment fous !
À vous dire le vrai, les Amants sont bien fous !
J'ai raison de me plaindre, non ? N'êtes-vous pas méchante de me dire des choses blessantes ?
Ho çà, n'ai-je pas lieu de me plaindre de vous ?
Et pour n'en point mentir, n'êtes-vous pas méchante,
De vous plaire à me dire une chose affligeante ?
Et vous, n'êtes-vous pas le plus ingrat...
Mais vous, n'êtes-vous pas l'Homme le plus ingrat...
On réglera ça plus tard. Occupons-nous d'empêcher ce mariage.
Pour une autre saison, laissons tout ce débat,
Et songeons à parer ce fâcheux Mariage.
Dis-nous comment faire.
Dis-nous donc quels ressorts il faut mettre en usage.
On va tout essayer. Votre père délire. Mais vous, faites semblant d'accepter pour gagner du temps et retarder ce mariage. En gagnant du temps, on arrange tout. Prétextez une maladie soudaine, ou de mauvais présages : vous avez croisé un mort, cassé un miroir, rêvé d'eau trouble. L'avantage, c'est qu'on ne peut pas vous marier sans votre oui. Mais évitez qu'on vous voie ensemble. Partez, mobilisez vos amis pour qu'on respecte la promesse faite. On va convaincre Cléante et Elmire de nous aider. Adieu.
Nous en ferons agir de toutes les façons.
Votre père se moque, et ce sont des chansons.
Mais, pour vous, il vaut mieux qu'à son extravagance,
D'un doux consentement vous prêtiez l'apparence,
Afin qu'en cas d'alarme, il vous soit plus aisé
De tirer en longueur cet hymen proposé.
En attrapant du temps, à tout on remédie.
Tantôt vous payerez de quelque maladie,
Qui viendra tout à coup, et voudra des délais.
Tantôt vous payerez de présages mauvais ;
Vous aurez fait d'un Mort la rencontre fâcheuse,
Cassé quelque Miroir, ou songé d'eau bourbeuse.
Enfin le bon de tout, c'est qu'à d'autres qu'à lui,
On ne vous peut lier, que vous ne disiez oui.
Mais pour mieux réussir, il est bon, ce me semble,
Qu'on ne vous trouve point tous deux parlant ensemble.
Sortez, et sans tarder, employez vos Amis
Pour vous faire tenir ce qu'on vous a promis.
Nous allons réveiller les efforts de son Frère,
Et dans notre Parti jeter la Belle-Mère.
Adieu.
Quoi qu'on fasse, mon plus grand espoir reste en toi.
Quelques efforts que nous préparions tous,
Ma plus grande espérance, à vrai dire, est en vous.
Je ne peux pas contrôler mon père, mais je n'épouserai que Valère.
Je ne vous réponds pas des volontés d'un Père ;
Mais je ne serai point à d'autre qu'à Valère.
Que je suis heureux ! Et quoi qu'il arrive...
Que vous me comblez d'aise ! Et quoi que puisse oser...
Les amoureux ne se lassent jamais de parler ! Sortez, je vous dis !
Ah ! jamais les Amants ne sont las de jaser.
Sortez, vous dis-je.
Quel bavardage ! Partez par là, et vous par ici.
Quel caquet est le vôtre !
Tirez de cette part ; et vous, tirez de l'autre.