Acte III, scène 2

La première apparition de Tartuffe

Après deux actes d'attente, Tartuffe apparaît enfin. Il joue immédiatement la comédie de la sainteté en demandant à Laurent de ranger ses instruments de pénitence (cilice et fouet) et annonce partir faire la charité aux prisonniers. Face à Dorine, Tartuffe joue le pudibond en lui demandant de couvrir son décolleté qui lui donne des "pensées coupables". Dorine répond avec ironie qu'elle pourrait le voir nu sans être tentée. Dès que Dorine annonce qu'Elmire veut lui parler, Tartuffe change complètement d'attitude et devient empressé ("Hélas ! très volontiers"), confirmant les soupçons de Dorine sur ses sentiments pour Elmire. Il demande avec empressement si Elmire arrive bientôt, trahissant son intérêt pour elle. Cette scène courte mais essentielle révèle d'emblée l'hypocrisie de Tartuffe : fausse piété, pruderie excessive cachant des désirs, et intérêt suspect pour Elmire.

Tartuffe

Tartuffe
Imposteur et faux dévot

Dorine

Dorine
Servante de Mariane

Version Moderne

Version Originale

Tartuffe
Laurent, rangez mon cilice et mon fouet, et priez pour que le ciel vous éclaire. Si on me cherche, je suis parti distribuer mes aumônes aux prisonniers.
Laurent, serrez ma Haire, avec ma Discipline, Et priez que toujours le Ciel vous illumine. Si l'on vient pour me voir, je vais aux Prisonniers, Des aumônes que j'ai, partager les deniers.
Dorine
Quel cinéma !
Que d'affectation, et de forfanterie !
Tartuffe
Que voulez-vous ?
Que voulez-vous ?
Dorine
Vous dire...
Vous dire...
Tartuffe
Mon Dieu ! Avant de parler, prenez ce mouchoir.
Ah ! mon Dieu, je vous prie, Avant que de parler, prenez-moi ce mouchoir.
Dorine
Pourquoi ?
Comment ?
Tartuffe
Couvrez votre poitrine, je ne peux pas la voir. Ces choses blessent les âmes et donnent des pensées coupables.
Couvrez ce Sein, que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées.
Dorine
Vous êtes bien sensible à la tentation ! La chair vous trouble tant que ça ? Je ne sais pas ce qui vous échauffe, mais moi je ne suis pas si prompte au désir. Je pourrais vous voir tout nu que ça ne me ferait rien.
Vous êtes donc bien tendre à la tentation ; Et la Chair, sur vos sens, fait grande impression ? Certes, je ne sais pas quelle chaleur vous monte : Mais à convoiter, moi, je ne suis point si prompte ; Et je vous verrais nu du haut jusques en bas, Que toute votre peau ne me tenterait pas.
Tartuffe
Soyez plus modeste ou je m'en vais tout de suite.
Mettez dans vos discours un peu de modestie, Ou je vais, sur-le-champ, vous quitter la partie.
Dorine
Non, c'est moi qui vous laisse tranquille. J'ai juste deux mots à vous dire. Madame va venir ici et souhaite vous parler.
Non, non, c'est moi qui vais vous laisser en repos, Et je n'ai seulement qu'à vous dire deux mots. Madame va venir dans cette Salle basse, Et d'un mot d'entretien vous demande la grâce.
Tartuffe
Oh ! Très volontiers.
Hélas ! très volontiers.
Dorine
Comme il se radoucit ! Je maintiens ce que j'ai dit sur lui.
Comme il se radoucit ! Ma foi, je suis toujours pour ce que j'en ai dit.
Tartuffe
Elle vient bientôt ?
Viendra-t-elle bientôt ?
Dorine
Je l'entends. Oui, c'est elle, je vous laisse.
Je l'entends, ce me semble. Oui, c'est elle en personne, et je vous laisse ensemble.
Molière
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