Version Moderne
Version Originale
Ah, tous réunis, parfait ! Voici le contrat de mariage, vous savez de quoi il s'agit.
Ha, je me réjouis de vous voir assemblés.
Je porte, en ce Contrat, de quoi vous faire rire,
Et vous savez déjà ce que cela veut dire.
Papa, je t'en supplie ! Ne rends pas ma vie horrible. Si tu m'empêches d'épouser Valère, au moins ne me force pas à épouser cet homme que je déteste. Ne me pousse pas au désespoir !
Mon père, au nom du Ciel, qui connaît ma douleur,
Et par tout ce qui peut émouvoir votre cœur,
Relâchez-vous un peu des droits de la naissance,
Et dispensez mes vœux de cette obéissance.
Ne me réduisez point, par cette dure Loi,
Jusqu'à me plaindre au Ciel de ce que je vous dois :
Et cette vie, hélas ! que vous m'avez donnée,
Ne me la rendez pas, mon Père, infortunée.
Si contre un doux espoir que j'avais pu former,
Vous me défendez d'être à ce que j'ose aimer ;
Au moins, par vos bontés, qu'à vos genoux j'implore,
Sauvez-moi du tourment d'être à ce que j'abhorre ;
Et ne me portez point à quelque désespoir,
En vous servant, sur moi, de tout votre pouvoir.
Reste ferme, pas de faiblesse.
Allons, ferme, mon cœur, point de faiblesse humaine.
Donne-lui tout ton argent, même le mien, ça m'est égal ! Mais laisse-moi partir au couvent plutôt que de me marier avec lui.
Vos tendresses pour lui, ne me font point de peine ;
Faites-les éclater, donnez-lui votre bien ;
Et si ce n'est assez, joignez-y tout le mien,
J'y consens de bon cœur, et je vous l'abandonne.
Mais au moins n'allez pas jusques à ma personne,
Et souffrez qu'un Couvent, dans les austérités,
Use les tristes jours que le Ciel m'a comptés.
Typique ! Le couvent dès qu'on contrarie vos amours ! Debout ! Plus tu le détestes, plus tu gagneras le Ciel. Ce mariage sera ta pénitence. Arrête maintenant !
Ah ! voilà justement de mes Religieuses,
Lorsqu'un Père combat leurs flammes amoureuses.
Debout. Plus votre cœur répugne à l'accepter,
Plus ce sera pour vous, matière à mériter.
Mortifiez vos sens avec ce Mariage,
Et ne me rompez pas la tête davantage.
Taisez-vous ! Pas un mot !
Taisez-vous, vous. Parlez à votre écot,
Je vous défends, tout net, d'oser dire un seul mot.
Si tu permets un conseil...
Si par quelque conseil, vous souffrez qu'on réponde...
Tes conseils sont excellents, mon frère, mais je ne les suivrai pas.
Mon Frère, vos conseils sont les meilleurs du monde,
Ils sont bien raisonnés, et j'en fais un grand cas ;
Mais vous trouverez bon que je n'en use pas.
Ton aveuglement est stupéfiant. Il faut être complètement ensorcelé pour nous traiter de menteurs.
À voir ce que je vois, je ne sais plus que dire,
Et votre aveuglement fait que je vous admire.
C'est être bien coiffé, bien prévenu de lui,
Que de nous démentir sur le fait d'aujourd'hui.
Je sais ce que j'ai vu ! Tu protèges mon fils et tu n'as pas osé le contredire. Tu étais trop calme, une vraie victime aurait été bouleversée.
Je suis votre Valet, et crois les apparences.
Pour mon fripon de Fils, je sais vos complaisances,
Et vous avez eu peur de le désavouer
Du trait qu'à ce pauvre Homme il a voulu jouer.
Vous étiez trop tranquille enfin, pour être crue,
Et vous auriez paru d'autre manière émue.
Je devais faire un scandale pour une déclaration ? Je préfère rire de ces choses. Je ne suis pas une prude qui griffe au moindre mot. Un refus poli suffit.
Est-ce qu'au simple aveu d'un amoureux transport,
Il faut que notre honneur se gendarme si fort ?
Et ne peut-on répondre à tout ce qui le touche,
Que le feu dans les yeux, et l'injure à la bouche ?
Pour moi, de tels propos, je me ris simplement,
Et l'éclat, là-dessus, ne me plaît nullement.
J'aime qu'avec douceur nous nous montrions sages,
Et ne suis point, du tout, pour ces Prudes sauvages,
Dont l'honneur est armé de griffes, et de dents,
Et veut, au moindre mot, dévisager les Gens.
Me préserve le Ciel d'une telle sagesse !
Je veux une Vertu qui ne soit point diablesse,
Et crois que d'un refus, la discrète froideur,
N'en est pas moins puissante à rebuter un cœur.
Je sais ce qui s'est passé, point.
Enfin je sais l'affaire, et ne prends point le change.
Ton aveuglement est incroyable. Et si je te prouvais la vérité ?
J'admire, encore un coup, cette faiblesse étrange.
Mais que me répondrait votre incrédulité,
Si je vous faisais voir qu'on vous dit vérité ?
Et si je te le montrais clairement ?
Mais quoi ! si je trouvais manière
De vous le faire voir avec pleine lumière ?
Des histoires !
Contes en l'air.
Réponds au moins ! Si tu pouvais tout voir et entendre toi-même, que dirais-tu de ton saint homme ?
Quel homme ! Au moins répondez-moi.
Je ne vous parle pas de nous ajouter foi :
Mais supposons ici, que d'un lieu qu'on peut prendre,
On vous fît clairement tout voir, et tout entendre,
Que diriez-vous alors de votre Homme de bien ?
Je dirais... Rien, c'est impossible.
En ce cas, je dirais que... Je ne dirais rien,
Car cela ne se peut.
Assez ! Tu me traites de menteuse depuis trop longtemps. Je vais te montrer la vérité.
L'erreur trop longtemps dure,
Et c'est trop condamner ma bouche d'imposture.
Il faut que par plaisir, et sans aller plus loin,
De tout ce qu'on vous dit, je vous fasse témoin.
D'accord. Voyons comment tu vas faire.
Soit je vous prends au mot. Nous verrons votre adresse
Et comment vous pourrez remplir cette promesse.
Fais-le venir.
Faites-le-moi venir.
Il est malin, ce sera difficile de le piéger.
Son esprit est rusé,
Et peut-être, à surprendre, il sera malaisé.
Non, l'amour rend aveugle et la vanité fait le reste. Va le chercher. Vous autres, sortez.
Non, on est aisément dupé par ce qu'on aime,
Et l'amour-propre, engage à se tromper soi-même.
Faites-le-moi descendre ; et vous, retirez-vous.