Version Moderne
Version Originale
Bonjour. Je dois parler à Monsieur.
Bonjour, ma chère Sœur. Faites, je vous supplie,
Que je parle à Monsieur.
Il est occupé, il ne peut voir personne.
Il est en compagnie,
Et je doute qu'il puisse, à présent, voir quelqu'un.
Je ne dérangerai pas. Je viens pour quelque chose qui lui fera plaisir.
Je ne suis pas pour être, en ces lieux, importun.
Mon abord n'aura rien, je crois, qui lui déplaise,
Et je viens pour un fait dont il sera bien aise.
Dites que je viens de la part de Monsieur Tartuffe, pour son bien.
Dites-lui seulement que je viens
De la part de Monsieur Tartuffe, pour son bien.
Un homme très poli vient de la part de Tartuffe pour une affaire qui vous fera plaisir, dit-il.
C'est un Homme qui vient, avec douce manière,
De la part de Monsieur Tartuffe, pour affaire,
Dont vous serez, dit-il, bien aise.
Il faut voir ce qu'il veut.
Il vous faut voir
Ce que c'est que cet Homme, et ce qu'il peut vouloir.
Il vient peut-être pour un arrangement ? Comment dois-je le recevoir ?
Pour nous raccommoder, il vient ici, peut-être.
Quels sentiments aurai-je à lui faire paraître ?
Reste calme et écoute s'il propose un accord.
Votre ressentiment ne doit point éclater,
Et s'il parle d'accord, il le faut écouter.
Bonjour Monsieur. Que le Ciel vous protège.
Salut, Monsieur. Le Ciel perde qui vous veut nuire,
Et vous soit favorable autant que je désire.
Ce ton aimable annonce peut-être un arrangement.
Ce doux début s'accorde avec mon jugement,
Et présage déjà quelque accommodement.
J'ai toujours aimé votre famille, j'ai servi votre père.
Toute votre Maison m'a toujours été chère,
Et j'étais serviteur de Monsieur votre Père.
Pardon Monsieur, je ne vous reconnais pas.
Monsieur, j'ai grande honte, et demande pardon,
D'être sans vous connaître, ou savoir votre nom.
Je m'appelle Loyal, huissier de justice depuis quarante ans. Je viens vous signifier une ordonnance.
Je m'appelle Loyal, natif de Normandie,
Et suis Huissier à Verge, en dépit de l'Envie.
J'ai depuis quarante ans, grâce au Ciel, le bonheur
D'en exercer la Charge avec beaucoup d'honneur ;
Et je vous viens, Monsieur, avec votre licence,
Signifier l'Exploit de certaine Ordonnance.
Quoi ! Vous êtes...
Quoi ! vous êtes ici...
Calmez-vous. C'est juste une sommation de quitter les lieux avec tous les vôtres et vos meubles, immédiatement.
Monsieur, sans passion,
Ce n'est rien seulement qu'une Sommation,
Un ordre de vider d'ici, vous, et les vôtres,
Mettre vos meubles hors, et faire place à d'autres,
Sans délai, ni remise, ainsi que besoin est...
Sortir de ma maison ?
Moi, sortir de céans ?
Oui Monsieur. Cette maison appartient maintenant à Monsieur Tartuffe. Il est propriétaire de tous vos biens selon ce contrat parfaitement légal.
Oui, Monsieur, s'il vous plaît.
La Maison à présent, comme savez de reste,
Au bon Monsieur Tartuffe appartient sans conteste.
De vos biens désormais il est Maître, et Seigneur,
En vertu d'un Contrat duquel je suis Porteur.
Il est en bonne forme, et l'on n'y peut rien dire.
Quelle impudence incroyable !
Certes, cette impudence est grande, et je l'admire.
Je ne traite pas avec vous mais avec Monsieur qui est raisonnable et n'ira pas contre la justice.
Monsieur, je ne dois point avoir affaire à vous ;
C'est à Monsieur, il est, et raisonnable, et doux,
Et d'un Homme de bien il sait trop bien l'office,
Pour se vouloir du tout opposer à Justice.
Je sais que vous êtes trop honnête pour résister à la loi.
Oui, Monsieur, je sais que pour un million
Vous ne voudriez pas faire rébellion ;
Et que vous souffrirez en honnête Personne,
Que j'exécute ici les ordres qu'on me donne.
Vous allez recevoir des coups de bâton, Monsieur l'huissier !
Vous pourriez bien ici, sur votre noir jupon,
Monsieur l'Huissier à Verge, attirer le bâton.
Faites taire votre fils ou je devrai l'inscrire au procès-verbal.
Faites que votre Fils se taise, ou se retire,
Monsieur ; j'aurais regret d'être obligé d'écrire,
Et de vous voir couché dans mon Procès-verbal.
Monsieur Loyal est bien déloyal !
Ce Monsieur Loyal porte un air bien déloyal !
J'ai accepté cette mission par bonté pour vous. Un autre aurait été moins doux.
Pour tous les Gens de bien, j'ai de grandes tendresses,
Et ne me suis voulu, Monsieur, charger des Pièces,
Que pour vous obliger, et vous faire plaisir ;
Que pour ôter, par là, le moyen d'en choisir,
Qui n'ayant pas pour vous le zèle qui me pousse,
Auraient pu procéder d'une façon moins douce.
Quoi de pire que de me chasser de chez moi ?
Et que peut-on de pis, que d'ordonner aux Gens
De sortir de chez eux ?
Je vous donne jusqu'à demain. Cette nuit, je reste ici avec dix hommes, discrètement. Donnez-moi les clés. Je ne vous dérangerai pas. Mais demain matin, tout doit être dehors. Mes hommes vous aideront. Je suis très indulgent, alors coopérez.
On vous donne du temps,
Et jusques à demain, je ferai surséance
À l'exécution, Monsieur, de l'Ordonnance.
Je viendrai seulement passer ici la nuit,
Avec dix de mes Gens, sans scandale, et sans bruit.
Pour la forme, il faudra, s'il vous plaît, qu'on m'apporte,
Avant que se coucher, les clefs de votre Porte.
J'aurai soin de ne pas troubler votre repos,
Et de ne rien souffrir qui ne soit à propos.
Mais demain du matin, il vous faut être habile
À vider de céans jusqu'au moindre ustensile.
Mes Gens vous aideront ; et je les ai pris forts,
Pour vous faire service à tout mettre dehors.
On n'en peut pas user mieux que je fais, je pense ;
Et comme je vous traite avec grande indulgence,
Je vous conjure aussi, Monsieur, d'en user bien,
Et qu'au dû de ma Charge on ne me trouble en rien.
Je donnerais cent louis d'or pour pouvoir lui casser la figure !
Du meilleur de mon cœur, je donnerais sur l'heure
Les cent plus beaux Louis de ce qui me demeure,
Et pouvoir à plaisir, sur ce mufle asséner
Le plus grand coup de poing qui se puisse donner.
Calme-toi, n'aggrave pas les choses.
Laissez, ne gâtons rien.
J'ai envie de le frapper !
À cette audace étrange,
J'ai peine à me tenir, et la main me démange.
Avec votre dos, Monsieur Loyal, quelques coups de bâton vous iraient bien.
Avec un si bon dos, ma foi, Monsieur Loyal,
Quelques coups de bâton ne vous siéraient pas mal.
Je peux vous faire arrêter pour ces menaces, même les femmes.
On pourrait bien punir ces paroles infâmes,
Mamie, et l'on décrète aussi contre les Femmes.
Assez ! Donnez votre papier et partez.
Finissons tout cela, Monsieur, c'en est assez ;
Donnez tôt ce papier, de grâce, et nous laissez.
Au revoir. Que le Ciel vous garde.
Jusqu'au revoir. Le Ciel vous tienne tous en joie.
Qu'il te maudisse, toi et celui qui t'envoie !
Puisse-t-il te confondre, et celui qui t'envoie !