Version Moderne
Version Originale
Doucement ! Pas si vite. Au nom du roi, vous êtes arrêté.
Tout beau, Monsieur, tout beau, ne courez point si vite,
Vous n'irez pas fort loin, pour trouver votre gîte,
Et de la part du Prince, on vous fait prisonnier.
Traître ! C'est ton coup final, le sommet de tes trahisons !
Traître, tu me gardais ce trait pour le dernier.
C'est le coup, Scélérat, par où tu m'expédies,
Et voilà couronner toutes tes perfidies.
Vos insultes ne m'atteignent pas, je souffre tout pour le Ciel.
Vos injures n'ont rien à me pouvoir aigrir,
Et je suis, pour le Ciel, appris à tout souffrir.
Quelle modération admirable !
La modération est grande, je l'avoue.
Il se moque du Ciel, l'infâme !
Comme du Ciel, l'Infâme, impudemment se joue !
Je ne fais que mon devoir.
Tous vos emportements ne sauraient m'émouvoir,
Et je ne songe à rien, qu'à faire mon devoir.
Quelle gloire de dénoncer votre bienfaiteur !
Vous avez de ceci, grande gloire à prétendre,
Et cet emploi pour vous, est fort honnête à prendre.
C'est glorieux de servir le roi.
Un emploi ne saurait être que glorieux,
Quand il part du pouvoir qui m'envoie en ces lieux.
Ingrat ! J'ai oublié que je t'ai sauvé de la misère ?
Mais t'es-tu souvenu que ma main charitable,
Ingrat, t'a retiré d'un état misérable ?
Je sais ce que je vous dois, mais le devoir envers le roi passe avant tout. Je sacrifierais amis, famille, tout pour lui !
Oui, je sais quels secours j'en ai pu recevoir ;
Mais l'intérêt du Prince est mon premier devoir !
De ce devoir sacré, la juste violence
Étouffe dans mon cœur toute reconnaissance ;
Et je sacrifierais à de si puissants nœuds,
Ami, Femme, Parents, et moi-même avec eux.
L'imposteur !
L'Imposteur !
Il déguise sa trahison en devoir sacré !
Comme il sait, de traîtresse manière,
Se faire un beau manteau de tout ce qu'on révère !
Si votre zèle est si pur, pourquoi n'avez-vous dénoncé qu'après avoir été chassé ? Et pourquoi avez-vous accepté ses biens si c'est un traître ?
Mais s'il est si parfait que vous le déclarez,
Ce zèle qui vous pousse, et dont vous vous parez ;
D'où vient que pour paraître, il s'avise d'attendre,
Qu'à poursuivre sa Femme, il ait su vous surprendre ?
Et que vous ne songez à l'aller dénoncer,
Que lorsque son honneur l'oblige à vous chasser ?
Je ne vous parle point, pour devoir en distraire,
Du don de tout son bien qu'il venait de vous faire :
Mais le voulant traiter en coupable aujourd'hui,
Pourquoi consentiez-vous à rien prendre de lui ?
Monsieur l'officier, faites-les taire et exécutez votre ordre !
Délivrez-moi, Monsieur, de la criaillerie,
Et daignez accomplir votre Ordre, je vous prie.
Vous avez raison, j'exécute l'ordre. Suivez-moi en prison.
Oui, c'est trop demeurer, sans doute, à l'accomplir.
Votre bouche à propos m'invite à le remplir ;
Et pour l'exécuter, suivez-moi tout à l'heure
Dans la Prison qu'on doit vous donner pour demeure.
Moi ?
Qui, moi, Monsieur ?
Pourquoi la prison ?
Pourquoi donc la Prison ?
Rassurez-vous, Monsieur. Notre roi voit tout et ne se laisse pas tromper. Il a tout de suite percé à jour ce fourbe. En venant vous dénoncer, Tartuffe s'est trahi - le roi le connaissait déjà sous un autre nom comme criminel notoire. Le roi m'a laissé venir avec lui pour voir jusqu'où irait son audace. Je reprends tous vos papiers, j'annule la donation, et le roi vous pardonne pour la cassette d'Argas. Il se souvient de vos services passés. Le roi récompense toujours le bien et punit le mal.
Ce n'est pas vous à qui j'en veux rendre raison.
Remettez-vous, Monsieur, d'une alarme si chaude.
Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude,
Un Prince dont les yeux se font jour dans les cœurs,
Et que ne peut tromper tout l'art des Imposteurs.
D'un fin discernement, sa grande âme pourvue,
Sur les choses toujours jette une droite vue,
Chez elle jamais rien ne surprend trop d'accès,
Et sa ferme raison ne tombe en nul excès.
Il donne aux Gens de bien une gloire immortelle,
Mais sans aveuglement il fait briller ce zèle,
Et l'amour pour les vrais, ne ferme point son cœur
À tout ce que les faux doivent donner d'horreur.
Celui-ci n'était pas pour le pouvoir surprendre,
Et de pièges plus fins on le voit se défendre.
D'abord il a percé, par ses vives clartés,
Des replis de son cœur, toutes les lâchetés.
Venant vous accuser, il s'est trahi lui-même,
Et par un juste trait de l'équité suprême,
S'est découvert au Prince un Fourbe renommé,
Dont sous un autre nom il était informé ;
Et c'est un long détail d'actions toutes noires,
Dont on pourrait former des Volumes d'Histoires.
Ce Monarque, en un mot, a vers vous détesté
Sa lâche ingratitude, et sa déloyauté ;
À ses autres horreurs, il a joint cette suite,
Et ne m'a, jusqu'ici, soumis à sa conduite,
Que pour voir l'impudence aller jusques au bout,
Et vous faire, par lui, faire raison de tout.
Oui, de tous vos papiers, dont il se dit le maître,
Il veut qu'entre vos mains, je dépouille le Traître.
D'un souverain pouvoir il brise les liens
Du Contrat qui lui fait un don de tous vos biens,
Et vous pardonne enfin cette offense secrète
Où vous a, d'un Ami, fait tomber la retraite ;
Et c'est le prix qu'il donne au zèle qu'autrefois
On vous vit témoigner, en appuyant ses droits ;
Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense,
D'une bonne action verser la récompense ;
Que jamais le mérite, avec lui, ne perd rien,
Et que mieux que du mal, il se souvient du bien.
Dieu soit loué !
Que le Ciel soit loué !
Je respire enfin !
Maintenant je respire.
Quel soulagement !
Favorable succès !
Qui l'aurait cru ?
Qui l'aurait osé dire ?
Alors, traître...
Hé bien, te voilà, Traître...
Arrête, mon frère ! Ne t'abaisse pas. Laisse-le à son sort. Souhaite plutôt qu'il se repente et que le roi soit clément. Va remercier le roi pour sa bonté.
Ah ! mon Frère, arrêtez,
Et ne descendez point à des indignités.
À son mauvais destin laissez un misérable,
Et ne vous joignez point au remords qui l'accable.
Souhaitez bien plutôt, que son cœur, en ce jour,
Au sein de la Vertu fasse un heureux retour ;
Qu'il corrige sa vie, en détestant son vice,
Et puisse du grand Prince adoucir la justice ;
Tandis qu'à sa bonté vous irez à genoux,
Rendre ce que demande un traitement si doux.
Tu as raison. Allons remercier le roi. Puis nous marierons Mariane avec Valère, ce loyal amant qui mérite notre reconnaissance.
Oui, c'est bien dit ; allons à ses pieds, avec joie,
Nous louer des bontés que son cœur nous déploie :
Puis acquittés un peu de ce premier devoir,
Aux justes soins d'un autre, il nous faudra pourvoir ;
Et par un doux hymen, couronner en Valère,
La flamme d'un Amant généreux, et sincère.