Version Moderne
Version Originale
C'est elle la malade?
Est-ce là la malade?
Oui, elle est ma seule fille et je serais très triste si elle mourait.
Oui, je n'ai qu'elle de fille, et j'aurois tous les regrets du monde si elle venoit à mourir.
Qu'elle s'en garde bien! il ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance du médecin.
Qu'elle s'en garde bien! il ne faut pas qu'elle meure sans l'ordonnance du médecin.
Asseyez-vous.
Allons, un siège.
Cette malade n'est pas si repoussante, et je pense qu'un homme en bonne santé pourrait s'en accommoder assez facilement.
Voilà une malade qui n'est pas tant dégoûtante, et je tiens qu'un homme bien sain s'en accommoderoit assez.
Vous l'avez fait rire, Monsieur.
Vous l'avez fait rire, Monsieur.
Tant mieux! Quand le médecin fait rire le malade, c'est un bon signe. Alors, de quoi souffrez-vous?
Tant mieux, lorsque le médecin fait rire le malade, c'est le meilleur signe du monde. Eh bien, de quoi est-il question? qu'avez-vous? quel est le mal que vous sentez?
Han, hi, hom, han.
répond par signes, en portant sa main à sa bouche, à sa tête et sous son menton
Han, hi, hom, han.
Eh! que dites-vous?
Eh! que dites-vous?
Han, hi, hom, han, han, hi, hom.
continue les mêmes gestes
Han, hi, hom, han, han, hi, hom.
Han, hi, hom!
Han, hi, hom!
Han, hi, hom, han, ha. Je ne vous comprends pas. Quel est ce langage étrange?
Han, hi, hom, han, ha. Je ne vous entends point. Quel diable de langage est-ce là?
Monsieur, c'est sa maladie. Elle est devenue muette et personne ne sait pourquoi. Cela a retardé son mariage.
Monsieur, c'est là sa maladie. Elle est devenue muette, sans que jusques ici on en ait pu savoir la cause; et c'est un accident qui a fait reculer son mariage.
Et pourquoi?
Et pourquoi?
Son fiancé veut attendre qu'elle guérisse avant de se marier.
Celui qu'elle doit épouser veut attendre sa guérison pour conclure les choses.
Qui est cet idiot qui ne veut pas d'une femme muette? J'aimerais que ma femme ait cette maladie! Je ne voudrais pas la guérir.
Et qui est ce sot-là qui ne veut pas que sa femme soit muette? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie! je me garderais bien de la vouloir guérir.
Enfin, Monsieur, nous vous prions de faire tout votre possible pour soulager sa maladie.
Enfin, Monsieur, nous vous prions d'employer tous vos soins pour la soulager de son mal.
Ne vous inquiétez pas. Est-ce que cette maladie la fait beaucoup souffrir?
Ah! ne vous mettez pas en peine. Dites-moi un peu, ce mal l'oppresse-t-il beaucoup?
Oui, Monsieur.
Oui, Monsieur.
Tant mieux. Est-ce qu'elle ressent de fortes douleurs?
Tant mieux. Sent-elle de grandes douleurs?
Très fortes.
Fort grandes.
Ah, c'est bien. Elle va aux toilettes régulièrement?
C'est fort bien fait. Va-t-elle où vous savez?
Copieusement?
Copieusement?
Je ne comprends pas.
Je n'entends rien à cela.
Est-ce que la matière est de bonne qualité?
La matière est-elle louable?
Je ne suis pas expert en la matière.
Je ne me connois pas à ces choses.
Donnez-moi votre bras. Son pouls indique que votre fille est muette.
Donnez-moi votre bras. Voilà un pouls qui marque que votre fille est muette.
Oui, Monsieur, c'est bien ça. Vous avez trouvé tout de suite.
Eh! oui, Monsieur, c'est là son mal; vous l'avez trouvé tout du premier coup.
Regardez comme il a deviné sa maladie!
Voyez comme il a deviné sa maladie!
Nous, les grands médecins, nous savons tout de suite ce qui se passe. Un ignorant aurait été perdu et aurait dit n'importe quoi, mais moi, je trouve la réponse tout de suite. Votre fille est muette.
Nous autres grands médecins, nous connoissons d'abord les choses. Un ignorant auroit été embarrassé, et vous eût été dire, c'est ceci, c'est cela; mais, moi, je touche au but du premier coup, et je vous apprends que votre fille est muette.
Mais pouvez-vous me dire pourquoi elle est muette?
Oui; mais je voudrois bien que vous me pussiez dire d'où cela vient?
C'est simple. Elle a perdu la parole.
Il n'est rien de plus aisé. Cela vient de ce qu'elle a perdu la parole.
Très bien, mais pourquoi a-t-elle perdu la parole?
Fort bien; mais la cause, s'il vous plait, qui fait qu'elle a perdu la parole?
Tous les meilleurs auteurs vous diront que c'est à cause d'un problème avec sa langue.
Tous nos meilleurs auteurs vous diront que c'est l'empêchement de l'action de sa langue.
Mais qu'en pensez-vous, vous, de ce problème avec sa langue?
Mais encore, vos sentiments sur cet empêchement de l'action de sa langue?
Aristote là-dessus dit... de fort belles choses.
Aristote là-dessus dit... de fort belles choses.
Je n'en doute pas.
Je le crois.
Ah! c'était un grand homme!
Ah! c'étoit un grand homme!
Certainement.
Sans doute.
Vraiment un grand homme, un homme qui était plus grand que moi en tout cela. Donc, pour revenir à notre discussion, je pense que ce problème dans sa langue est causé par certaines humeurs, que nous, les savants, appelons humeurs peccantes; peccantes, c'est-à-dire... humeurs peccantes, parce que les vapeurs formées par les influences qui se dégagent dans la région des maladies, venant... pour ainsi dire... à... Comprenez-vous le latin?
Grand homme tout à fait, un homme qui étoit plus grand que moi de tout cela. Pour revenir donc à notre raisonnement, je tiens que cet empêchement de l'action de sa langue est causé par de certaines humeurs, qu'entre nous autres savants nous appelons humeurs peccantes; peccantes, c'est-à-dire... humeurs peccantes, d'autant que les vapeurs formées par les exhalaisons des influences qui s'élèvent dans la région des maladies, venant... pour ainsi dire... à... Entendez-vous le latin?
Pas du tout.
En aucune façon..
Vous ne comprenez pas le latin!
Vous n'entendez point le latin!
Cabricias, arci thuram, catalamus, singulariter, nominativo, hæc Musa, «la Muse»; bonus, bona, bonum; Deus sanctus, estne oratio latinas? Etiam, «oui.» Quare? «pourquoi?» Parce que le substantif et l'adjectif s'accordent en genre, en nombre et en cas.
Cabricias, arci thuram, catalamus, singulariter, nominativo, hæc Musa, «la Muse»; bonus, bona, bonum; Deus sanctus, estne oratio latinas? Etiam, «oui.» Quare? «pourquoi?» Quia substantivo et adjectivum concordat in generi, numerum et casus.
Ah! si seulement j'avais étudié!
Ah! que n'ai-je étudié!
Voilà un homme intelligent!
L'habile homme que velà!
Oui, c'est si beau que je n'y comprends rien.
Oui, ça est si biau que je n'y entends goutte.
Maintenant, ces vapeurs dont je vous parle, qui passent du côté gauche, où se trouve le foie, au côté droit, où se trouve le cœur, rencontrent le poumon, que nous appelons en latin "armyan", qui communique avec le cerveau, que nous nommons en grec "nasmus", par la veine cave, que nous appelons en hébreu "cubile", et rencontrent sur leur chemin les vapeurs qui remplissent les ventricules de l'omoplate. Et parce que ces vapeurs ont une certaine malignité... écoutez bien ceci, je vous en prie.
Or, ces vapeurs dont je vous parle venant à passer du côté gauche, où est le foie, au côté droit, où est le coeur, il se trouve que le poumon, que nous appelons en latin armyan, ayant communication avec le cerveau, que nous nommons en grec nasmus, par le moyen de la veine cave, que nous appelons en hébreu cubile, rencontre en son chemin lesdites vapeurs qui remplissent les ventricules de l'omoplate; et parce que lesdites vapeurs... comprenez bien ce raisonnement, je vous prie; et parce que lesdites vapeurs ont une certaine malignité... écoutez bien ceci, je vous conjure.
Ont une certaine malignité qui est causée... soyez attentif, s'il vous plaît.
Ont une certaine malignité qui est causée... soyez attentif, s'il vous plaît.
Je vous écoute.
Je le suis.
Qui est causée par l'acidité des liquides produits dans la partie creuse du diaphragme, il se trouve que ces vapeurs... Ossabandus, nequeys, nequer, potarinum, quipsa milus. C'est précisément ce qui fait que votre fille est muette.
Qui est causée par l'âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs... Ossabandus, nequeys, nequer, potarinum, quipsa milus. Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette.
Oh, c'est tellement clair maintenant!
Ah! que ça est bian dit, notte homme!
J'aimerais aussi avoir la langue bien pendue!
Que n'ai-je la langue aussi bian pendue!
Vous avez parfaitement raison, il n'y a qu'une chose qui m'a dérangé, c'est la position du foie et du cœur. Il me semble que vous les avez inversés; le cœur est à gauche et le foie à droite.
On ne peut pas mieux raisonner, sans doute. Il n'y a qu'une seule chose qui m'a choqué, c'est l'endroit du foie et du coeur. Il me semble que vous les placez autrement qu'ils ne sont; que le coeur est du côté gauche, et le foie du côté droit.
Oui, c'était ainsi autrefois; mais nous avons changé tout cela et nous pratiquons maintenant la médecine d'une toute nouvelle manière.
Oui, cela étoit autrefois ainsi; mais nous avons changé tout cela, et nous faisons maintenant la médecine d'une méthode toute nouvelle.
Je ne le savais pas, je vous demande pardon pour mon ignorance.
C'est ce que je ne savois pas, et je vous demande pardon de mon ignorance.
Il n'y a pas de mal, vous n'êtes pas obligé d'être aussi compétent que nous.
Il n'y a point de mal, et vous n'êtes pas obligé d'être aussi habile que nous.
Bien sûr. Mais, Monsieur, que pensez-vous qu'il faille faire pour soigner cette maladie?
Assurément. Mais, Monsieur, que croyez-vous qu'il faille faire à cette maladie?
Ce que je pense qu'il faut faire?
Ce que je crois qu'il faille faire?
Je pense qu'il faut la remettre au lit et lui faire prendre beaucoup de pain trempé dans du vin comme remède.
Mon avis est qu'on la remette sur son lit, et qu'on lui fasse prendre pour remède quantité de pain trempé dans du vin.
Pourquoi ça, Monsieur?
Pourquoi cela, Monsieur?
Parce que le vin et le pain mélangés ont une vertu qui fait parler. Ne voyez-vous pas que c'est ce qu'on donne aux perroquets pour qu'ils apprennent à parler?
Parce qu'il y a dans le vin et le pain mêlés ensemble une vertu sympathique qui fait parler. Ne voyez-vous pas bien qu'on ne donne autre chose aux perroquets, et qu'ils apprennent à parler en mangeant de cela?
Ah oui, c'est vrai! Vite, apportez du pain et du vin en grande quantité!
Cela est vrai. Ah! le grand homme! Vite, quantité de pain et de vin!
Je reviendrai voir comment elle va ce soir. (À la nourrice.) Doucement, vous. Monsieur, il faut que je donne quelques petits remèdes à cette nourrice.
Je reviendrai voir, sur le soir, en quel état elle, sera. (À la nourrice.) Doucement, vous. Monsieur, voilà une nourrice à laquelle il faut que je fasse quelques petits remèdes.
Qui? Moi? Je me porte très bien.
Qui? moi? Je me porte le mieux du monde.
Tant pis pour vous, nourrice. Votre grande santé est dangereuse, il faut vous faire une petite saignée amicale et vous donner un petit lavement adoucissant.
Tant pis, nourrice, tant pis. Cette grande santé est à craindre, et il ne sera pas mauvais de vous faire quelque petite saignée amiable, de vous donner quelque petit clistère dulcifiant.
Mais Monsieur, je ne comprends pas cette mode. Pourquoi se faire saigner si on n'est pas malade?
Mais, Monsieur, voilà une mode que je ne comprends point. Pourquoi s'aller faire saigner quand on n'a point de maladie?
Peu importe, cette mode est bénéfique. Comme on boit pour étancher sa soif future, il faut aussi se faire saigner pour prévenir les maladies futures.
Il n'importe, la mode en est salutaire; et, comme on boit pour la soif à venir, il faut se faire aussi saigner pour la maladie à venir.
Pff! Je m'en moque, je ne veux pas faire de mon corps une pharmacie.
Ma fi! je me moque de ça, et je ne veux point faire de mon corps une boutique d'apothicaire.
Vous êtes réticente aux remèdes, mais nous saurons vous convaincre. (S'adressant à Géronte.) Je vous salue.
Vous êtes rétive aux remèdes, mais nous saurons vous soumettre à la raison. (Parlant à Géronte.) Je vous donne le bonjour.
Attendez un peu, s'il vous plaît.
Attendez un peu, s'il vous plaît.
Que voulez-vous faire?
Que voulez-vous faire?
Vous donner de l'argent, Monsieur.
Vous donner de l'argent, Monsieur.
Je n'en prendrai pas, Monsieur.
tendant sa main derrière, par-dessous sa robe, tandis que Géronte ouvre sa bourse
Je n'en prendrai pas, Monsieur.
Non, pas du tout.
Point du tout.
Un petit moment.
Un petit moment.
Absolument pas.
En aucune façon.
S'il vous plaît!
De grâce!
Vous vous moquez de moi.
Vous vous moquez.
C'est fait maintenant.
Voilà qui est fait.
Je n'en ferai rien.
Je n'en ferai rien.
Ce n'est pas pour l'argent que j'agis.
Ce n'est pas l'argent qui me fait agir.
Je vous crois.
Je le crois.
Est-ce suffisant?
Cela est-il de poids?
Oui, Monsieur.
Oui, Monsieur.
Je ne suis pas un médecin qui fait ça pour l'argent.
Je ne suis pas un médecin mercenaire.
Je le sais bien.
Je le sais bien.
Je ne suis pas motivé par l'intérêt.
L'intérêt ne me gouverne point.
Je n'ai pas cette pensée.
Je n'ai pas cette pensée.