Version Moderne
Version Originale
Oh mon Dieu ! Quelle disgrâce inattendue ! Pauvre Géronte, que vas-tu faire ?
faisant semblant de ne point voir Géronte.
Ô ciel ! ô disgrâce imprévue ! ô misérable père ! Pauvre Géronte, que feras-tu ?
Pourquoi parle-t-il de moi avec un air si triste ?
à part.
Que dit-il là de moi, avec ce visage affligé ?
N’y a-t-il personne qui puisse me dire où est le seigneur Géronte ?
N’y a-t-il personne qui puisse me dire où est le seigneur Géronte ?
Qu’y a-t-il, Scapin ?
Qu’y a-t-il, Scapin ?
Où puis-je le trouver pour lui annoncer cette malchance ?
courant sur le théâtre sans vouloir entendre ni voir Géronte.
Où pourrai-je le rencontrer, pour lui dire cette infortune ?
De quoi parles-tu ?
arrêtant Scapin.
Qu’est-ce que c’est donc ?
En vain je cours de tous côtés pour le pouvoir trouver.
En vain je cours de tous côtés pour le pouvoir trouver.
Il doit être caché quelque part où personne ne peut le trouver
Il faut qu’il soit caché en quelque endroit qu’on ne puisse point deviner.
Hé ! Es-tu aveugle ? Tu ne me vois pas ?
Holà ! es-tu aveugle, que tu ne me vois pas ?
Ah ! Monsieur, je n'arrive pas à vous trouver.
Ah ! monsieur, il n’y a pas moyen de vous rencontrer.
Je suis devant toi depuis une heure. Qu'est-ce qu'il y a ?
Il y a une heure que je suis devant toi. Qu’est-ce que c’est donc qu’il y a ?
Monsieur votre fils...
Monsieur votre fils...
Hé bien ! mon fils...
Hé bien ! mon fils...
Est tombé dans une situation très étrange.
Est tombé dans une disgrâce la plus étrange du monde.
Et laquelle ?
Et quelle ?
J'ai trouvé votre fils triste à cause de quelque chose que vous lui avez dit, où vous m'avez impliqué inutilement. Pour le distraire, nous sommes allés nous promener sur le port. Nous avons vu une belle galère turque et un jeune Turc nous a invités à monter à bord. Il a été très courtois, nous a offert des fruits délicieux et du bon vin.
Je l’ai trouvé tantôt tout triste, de je ne sais quoi que vous lui avez dit, où vous m’avez mêlé assez mal à propos ; et cherchant à divertir cette tristesse, nous nous sommes allés promener sur le port. Là, entre autres plusieurs choses, nous avons arrêté nos yeux sur une galère turque assez bien équipée. Un jeune Turc de bonne mine nous a invités d’y entrer, et nous a présenté la main. Nous y avons passé. Il nous a fait mille civilités, nous a donné la collation, où nous avons mangé des fruits les plus excellents qui se puissent voir, et bu du vin que nous avons trouvé le meilleur du monde.
Qu’y a-t-il de si affligeant en tout cela ?
Qu’y a-t-il de si affligeant en tout cela ?
Attendez, monsieur, nous y sommes. Pendant qu'on mangeait, il a fait partir la galère, et quand il s'est éloigné du port, il m'a mis dans un petit bateau et m'envoie vous dire que si vous ne lui envoyez pas cinq cents écus tout de suite, il va emmener votre fils à Alger.
Attendez, monsieur, nous y voici. Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galère en mer, et, se voyant éloigné du port, il m’a fait mettre dans un esquif, et m’envoie vous dire que si vous ne lui envoyez par moi, tout à l’heure, cinq cents écus, il va vous emmener votre fils en Alger.
Comment, diantre ! cinq cents écus !
Comment, diantre ! cinq cents écus !
Oui, monsieur, et en plus, il ne m'a donné que deux heures pour ça.
Oui, monsieur ; et, de plus, il ne m’a donné pour cela que deux heures.
Ah ! Ce maudit Turc ! Il veut me tuer de cette façon !
Ah ! le pendard de Turc ! m’assassiner de la façon !
C'est à vous de trouver rapidement un moyen de sauver votre fils.
C’est à vous, monsieur, d’aviser promptement aux moyens de sauver des fers un fils que vous aimez avec tant de tendresse.
Que diable alloit-il faire dans cette galère ?
Que diable alloit-il faire dans cette galère ?
Il ne s'attendait pas à ce qui est arrivé.
Il ne songeoit pas à ce qui est arrivé.
Scapin, va dire à ce Turc que je vais envoyer la police après lui.
Va-t’en, Scapin, va-t’en vite dire à ce Turc que je vais envoyer la justice après lui.
La police en pleine mer ? Vous plaisantez ?
La justice en pleine mer ! Vous moquez-vous des gens ?
Que diable alloit-il faire dans cette galère ?
Que diable alloit-il faire dans cette galère ?
Parfois, les gens sont malchanceux.
Une méchante destinée conduit quelquefois les personnes.
Scapin, tu dois agir en tant que serviteur fidèle.
Il faut, Scapin, il faut que tu fasses ici l’action d’un serviteur fidèle.
Que voulez-vous dire, Monsieur ?
Quoi, Monsieur ?
Que tu ailles dire à ce Turc qu’il me renvoie mon fils, et que tu te mettes à sa place jusqu’à ce que j’aie amassé la somme qu’il demande.
Que tu ailles dire à ce Turc qu’il me renvoie mon fils, et que tu te mettes à sa place jusqu’à ce que j’aie amassé la somme qu’il demande.
Monsieur, réfléchissez ! Pensez-vous vraiment que ce Turc accepterait un pauvre homme comme moi à la place de votre fils ?
Hé ! Monsieur, songez-vous à ce que vous dites ? et vous figurez-vous que ce Turc ait si peu de sens que d’aller recevoir un misérable comme moi à la place de votre fils ?
Que diable alloit-il faire dans cette galère ?
Que diable alloit-il faire dans cette galère ?
Il ne se doutait pas de ce malheur. Pensez, monsieur, il ne m'a donné que deux heures.
Il ne devinoit pas ce malheur. Songez, monsieur, qu’il ne m’a donné que deux heures.
Tu dis qu’il demande...
Tu dis qu’il demande...
Cinq cents écus.
Cinq cents écus.
Cinq cents écus ! N'a-t-il aucune conscience ?
Cinq cents écus ! N’a-t-il point de conscience ?
Ah oui, vraiment, faire confiance à un Turc !
Vraiment oui, de la conscience à un Turc !
Sait-il bien ce que c’est que cinq cents écus ?
Sait-il bien ce que c’est que cinq cents écus ?
Oui, monsieur ; il sait que c’est mille cinq cents livres.
Oui, monsieur ; il sait que c’est mille cinq cents livres.
Ce traître croit-il vraiment que mille cinq cents livres se trouvent dans le pas d'un cheval ?
Croit-il, le traître, que mille cinq cents livres se trouvent dans le pas d’un cheval ?
Ces gens-là ne sont pas raisonnables.
Ce sont des gens qui n’entendent point de raison.
Mais que diable alloit-il faire à cette galère ?
Mais que diable alloit-il faire à cette galère ?
C'est vrai. Mais on ne peut pas tout prévoir. S'il vous plaît, dépêchez-vous, Monsieur !
Il est vrai. Mais quoi ! on ne prévoyoit pas les choses. De grâce, Monsieur, dépêchez !
Tiens, voilà la clef de mon armoire.
Tiens, voilà la clef de mon armoire.
Tu l’ouvriras.
Tu l’ouvriras.
Tu trouveras une grosse clef du côté gauche, qui est celle de mon grenier.
Tu trouveras une grosse clef du côté gauche, qui est celle de mon grenier.
Tu prendras tous les vêtements qui sont dans cette grande malle, et tu les vendras pour racheter mon fils. Scapin, en lui rendant la clé. Monsieur, vous rêvez ? Je n'aurais même pas cent francs avec tout ça ; et en plus, vous savez combien de temps on m'a donné.
Tu iras prendre toutes les hardes qui sont dans cette grande manne, et tu les vendras aux fripiers, pour aller racheter mon fils. Scapin, en lui rendant la clef. Eh, Monsieur ! rêvez-vous ? Je n’aurois pas cent francs de tout ce que vous dites ; et, de plus, vous savez le peu de temps qu’on m’a donné.
Mais que diable alloit-il faire à cette galère ?
Mais que diable alloit-il faire à cette galère ?
Arrêtez de parler de cette galère ! Le temps presse et vous risquez de perdre votre fils. Je crains de ne plus jamais le revoir, peut-être est-il déjà en route pour devenir esclave en Algérie. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour lui, si on ne peut pas le racheter, c'est à cause de votre manque d'affection.
Oh ! que de paroles perdues ! Laissez là cette galère, et songez que le temps presse, et que vous courez risque de perdre votre fils. Hélas ! mon pauvre maître ! peut-être que je ne te verrai de ma vie, et qu’à l’heure que je parle, on t’emmène esclave en Alger. Mais le ciel me sera témoin que j’ai fait pour toi tout ce que j’ai pu ; et que, si tu manques à être racheté, il n’en faut accuser que le peu d’amitié d’un père.
Attends, Scapin, je vais chercher cette somme.
Attends, Scapin, je m’en vais quérir cette somme.
Dépêchez-vous, monsieur, je crains que l'heure ne sonne.
Dépêchez donc vite, monsieur ; je tremble que l’heure ne sonne.
Ce n'est pas quatre cents écus que tu dis ?
N’est-ce pas quatre cents écus que tu dis ?
Non. Cinq cents écus.
Non. Cinq cents écus.
Cinq cents écus !
Cinq cents écus !
Que diable alloit-il faire à cette galère ?
Que diable alloit-il faire à cette galère ?
Vous avez raison, mais dépêchez-vous.
Vous avez raison ; mais hâtez-vous.
N'y avait-il pas d'autres endroits où aller ?
N’y avoit-il point d’autre promenade ?
C'est vrai ; mais faites vite.
Cela est vrai ; mais faites promptement.
Ah ! maudite galère !
Ah ! maudite galère !
Cette galère lui tient au cœur.
Cette galère lui tient au cœur.
Tiens, Scapin, je viens de recevoir exactement cette somme en or, je ne pensais pas qu'elle me serait enlevée si vite.
Tirant sa bourse de sa poche, et la présentant à Scapin.
Va racheter mon fils.
Tiens, Scapin, je ne me souvenois pas que je viens justement de recevoir cette somme en or, et je ne croyois pas qu’elle dût m’être si tôt ravie.
Tirant sa bourse de sa poche, et la présentant à Scapin.
Tiens, va-t’en racheter mon fils.
Oui, Monsieur.
tendant la main.
Oui, Monsieur.
Mais dis à ce Turc que c’est un scélérat.
retenant sa bourse, qu’il fait semblant de vouloir donner à Scapin.
Mais dis à ce Turc que c’est un scélérat.
Oui.
tendant encore la main.
Oui.
Un infâme.
recommençant la même action.
Un infâme.
Oui.
tendant toujours la main.
Oui.
Un homme sans foi, un voleur.
de même.
Un homme sans foi, un voleur.
Laissez-moi faire.
Laissez-moi faire.
Il m'a volé cinq cents écus!
de même
Qu’il me tire cinq cents écus contre toute sorte de droit.
Que je ne les lui donne ni à la mort, ni à la vie.
de même
Que je ne les lui donne ni à la mort, ni à la vie.
Et si jamais je le rattrape, je me vengerai de lui.
de même
Et que si jamais je l’attrape, je saurai me venger de lui.
Va, va vite chercher mon fils.
remettant la bourse dans sa poche et s’en allant.
Va, va vite requérir mon fils.
Holà, Monsieur.
courant après Géronte.
Holà, Monsieur.
Où est l'argent ?
Où est donc cet argent ?
Ne te l’ai-je pas donné ?
Ne te l’ai-je pas donné ?
Non vraiment ; vous l’avez remis dans votre poche.
Non vraiment ; vous l’avez remis dans votre poche.
Ah ! c’est la douleur qui me trouble l’esprit.
Ah ! c’est la douleur qui me trouble l’esprit.
Je le vois bien.
Je le vois bien.
Que diable alloit-il faire dans cette galère ? Ah ! maudite galère ! traître de Turc ! à tous les diables.
Que diable alloit-il faire dans cette galère ? Ah ! maudite galère ! traître de Turc ! à tous les diables.
Il ne supporte pas de me donner cinq cents écus ; mais il me doit encore quelque chose. Je veux qu'il me rembourse pour la tromperie qu'il a faite à son fils.
seul.
Il ne peut digérer les cinq cents écus que je lui arrache ; mais il n’est pas quitte envers moi ; et je veux qu’il me paye en une autre monnoie l’imposture qu’il m’a faite auprès de son fils.