Version Moderne
Version Originale
Alors Scapin, où en est l'affaire de mon fils ?
Hé bien ! Scapin, comment va l’affaire de mon fils ?
Votre fils, Monsieur, est en sécurité, mais vous êtes maintenant en grand danger, et j'aimerais beaucoup que vous soyez chez vous.
Votre fils, Monsieur, est en lieu de sûreté ; mais vous courez maintenant, vous, le péril le plus grand du monde, et je voudrois, pour beaucoup, que vous fussiez dans votre logis.
Comment donc ?
Comment donc ?
À l'heure où je parle, on vous cherche de toutes parts pour vous tuer.
À l’heure que je parle, on vous cherche de toutes parts pour vous tuer.
Le frère de la femme qu'Octave a épousée. Il pense que vous voulez remplacer sa sœur par votre fille, ce qui mettrait fin à leur mariage. Il a donc décidé de vous tuer pour venger son honneur. Ses amis, tous des épéistes, vous cherchent partout. J'ai même vu des soldats de sa compagnie qui bloquent toutes les entrées de votre maison. Vous ne pouvez pas rentrer chez vous sans tomber entre leurs mains.
Le frère de cette personne qu’Octave a épousée. Il croit que le dessein que vous avez de mettre votre fille à la place que tient sa sœur est ce qui pousse le plus fort à faire rompre leur mariage ; et, dans cette pensée, il a résolu hautement de décharger son désespoir sur vous, et de vous ôter la vie pour venger son honneur. Tous ses amis, gens d’épée comme lui, vous cherchent de tous les côtés, et demandent de vos nouvelles. J’ai vu même, deçà et delà, des soldats de sa compagnie qui interrogent ceux qu’ils trouvent, et occupent par pelotons toutes les avenues de votre maison. De sorte que vous ne sauriez aller chez vous, vous ne sauriez faire un pas, ni à droit, ni à gauche, que vous ne tombiez dans leurs mains.
Que dois-je faire, mon pauvre Scapin ?
Que ferai-je, mon pauvre Scapin ?
Je ne sais pas, monsieur. C'est une situation étrange. Je tremble pour vous de la tête aux pieds et... Attendez.
Je ne sais pas, monsieur ; et voici une étrange affaire. Je tremble pour vous depuis les pieds jusqu’à la tête, et... Attendez.
Scapin fait semblant d’aller voir au fond du théâtre s’il n’y a personne.
Non, non, non, ce n’est rien.
revenant.
Non, non, non, ce n’est rien.
Peux-tu trouver un moyen de m'aider ?
Ne saurois-tu trouver quelque moyen pour me tirer de peine ?
J'ai une idée, mais je risque de me faire tuer.
J’en imagine bien un ; mais je courrois risque moi, de me faire assommer.
Scapin, sois un bon serviteur. Ne m'abandonne pas, je t'en supplie.
Hé ! Scapin, montre-toi serviteur zélé. Ne m’abandonne pas, je te prie.
D'accord. J'ai de l'affection pour vous et je ne peux pas vous laisser sans aide.
Je le veux bien. J’ai une tendresse pour vous qui ne sauroit souffrir que je vous laisse sans secours.
Tu seras récompensé, je te le promets. Je te donnerai ces vêtements quand je les aurai un peu usés.
Tu en seras récompensé, je t’assure ; et je te promets cet habit-ci quand je l’aurai un peu usé.
Attendez. J'ai une idée qui pourrait vous sauver. Vous devez vous mettre dans ce sac et...
Attendez. Voici une affaire que je me suis trouvée fort à propos pour vous sauver. Il faut que vous vous mettiez dans ce sac et que...
Non, personne n'est là. Vous devez vous cacher ici et ne pas bouger. Je vais vous porter sur mon dos, comme un paquet, et vous emmener à travers vos ennemis jusqu'à votre maison. Là, nous pourrons nous barricader et appeler à l'aide.
Non, non, non, non, ce n’est personne. Il faut, dis-je, que vous vous mettiez là dedans, et que vous gardiez de remuer en aucune façon. Je vous chargerai sur mon dos, comme un paquet de quelque chose, et je vous porterai ainsi au travers de vos ennemis, jusque dans votre maison, où, quand nous serons une fois, nous pourrons nous barricader, et envoyer quérir main-forte contre la violence.
C'est une bonne idée.
L’invention est bonne.
La meilleure du monde. Vous allez voir.
À part.
Tu me paieras pour cette imposture.
La meilleure du monde. Vous allez voir.
À part.
Tu me payeras l’imposture.
Je dis que vos ennemis seront surpris. Restez bien caché et ne bougez pas, quoi qu'il arrive.
Je dis que vos ennemis seront bien attrapés. Mettez-vous bien jusqu’au fond ; et surtout prenez garde de ne vous point montrer et de ne branler pas, quelque chose qui puisse arriver.
Laisse-moi faire. Je saurai me tenir...
Laisse-moi faire. Je saurai me tenir...
Cachez-vous, un épéiste vous cherche.
En contrefaisant sa voix. "Quoi ! Je ne peux pas tuer ce Géronte, et personne ne me dira où il est !"
À Géronte avec sa voix ordinaire. Ne bougez pas.
"Par Dieu, je le trouverai, même s'il se cache au centre de la terre."
À Géronte avec son ton naturel. Ne vous montrez pas.
"Oh ! l'homme au sac."
Monsieur.
"Je te donne un louis, dis-moi où est Géronte."
Vous cherchez Géronte ?
"Oui, je le cherche."
Pourquoi, monsieur ?
"Pourquoi ?"
Oui.
"Je veux le tuer à coups de bâton."
Oh ! monsieur, on ne frappe pas des gens comme lui, ce n'est pas un homme à être traité ainsi.
"Qui ? ce Géronte, ce vaurien, ce misérable ?"
Géronte, monsieur, n'est ni vaurien, ni misérable, et vous devriez parler autrement.
"Comment, tu me parles avec arrogance ?"
Je défends un homme d'honneur qui est offensé.
"Es-tu un ami de ce Géronte ?"
Oui, monsieur, je le suis.
"Ah ! tu es un de ses amis, bien sûr."
"Voilà ce que je te donne pour lui."
Ah, ah, ah, ah, monsieur. Ah, ah, monsieur, doucement. Ah, doucement. Ah, ah, ah.
"Va, donne-lui ça de ma part. Adieu."
Ah ! maudit soit le Gascon ! Ah !
Cachez-vous ; voici un spadassin qui vous cherche.
En contrefaisant sa voix.
« Quoi ! jé n’aurai pas l’abantage dé tuer cé Géronte, et quelqu’un, par charité, né m’enseignera pas où il est ! »
À Géronte avec sa voix ordinaire.
Ne branlez pas. « Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre. »
À Géronte avec son ton naturel.
Ne vous montrez pas.
Tout le langage gascon est supposé de celui qu’il contrefait, et le reste de lui.
« Oh ! l’homme au sac. » Monsieur. « Jé té vaille un louis, et m’enseigne où put être Géronte. » Vous cherchez le seigneur Géronte ? « Oui, mordi, jé lé cherche. » Et pour quelle affaire, monsieur ? « Pour quelle affaire ? » Oui. « Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton. » Oh ! monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n’est pas un homme à être traité de la sorte. « Qui ? cé fat dé Géronte, cé maraud, cé velître ? » Le seigneur Géronte, monsieur, n’est ni fat, ni maraud, ni belître ; et vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. « Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ? » Je défends, comme je dois, un homme d’honneur qu’on offense. « Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ? » Oui, monsieur, j’en suis. « Ah ! cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure. »
Donnant plusieurs coups de bâton sur le sac.
« Tiens boilà cé que jé té vaille pour lui. » Ah, ah, ah, ah, monsieur. Ah, ah, monsieur, tout beau. Ah, doucement. Ah, ah, ah. « Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias. » Ah ! diable soit le Gascon ! Ah !
Ah ! Scapin, je n'en peux plus !
Ah ! Scapin, je n’en puis plus !
Ah ! Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.
Ah ! Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable.
Comment ! c’est sur les miennes qu’il a frappé.
Comment ! c’est sur les miennes qu’il a frappé.
Non, Monsieur, c'était sur mon dos qu'il frappait.
Nenni, Monsieur, c’étoit sur mon dos qu’il frappoit.
Que veux-tu dire ? J'ai bien senti les coups, et je les sens encore.
Que veux-tu dire ? J’ai bien senti les coups, et les sens bien encore.
Non, vous dis-je, c'est seulement le bout du bâton qui a touché vos épaules.
Non, vous dis-je, ce n’est que le bout du bâton qui a été jusque sur vos épaules.
Tu aurais dû te retirer un peu plus loin, pour m'épargner...
Tu devois donc te retirer un peu plus loin, pour m’épargner...
Attention. En voici un autre qui a l'air d'un gascon.
(Scapin fait semblant de se battre avec le gascon)
"Par Dieu, j'ai couru comme un Basque, et je ne peux pas trouver ce diable de Géronte."
Cachez-vous bien.
"Dites-moi, monsieur, savez-vous où est ce Géronte que je cherche ?"
Non, monsieur, je ne sais pas où est Géronte.
"Dites-moi franchement, je ne veux pas lui faire grand mal. Juste lui donner une douzaine de coups de bâton et trois ou quatre coups d'épée dans la poitrine."
Je vous assure, monsieur, que je ne sais pas où il est.
"Il me semble que j'entends quelque chose bouger dans ce sac."
Excusez-moi, monsieur.
"Il y a sûrement quelque chose là-dedans."
Pas du tout, monsieur.
"J'ai envie de donner un coup d'épée dans ce sac."
Ah ! monsieur, ne faites pas ça.
"Montre-moi ce que c'est."
Doucement, monsieur.
"Comment, doucement !"
Vous n'avez pas besoin de voir ce que je porte.
"Je veux le voir."
Vous ne le verrez pas.
"Ah, quel jeu."
Ce sont mes affaires.
"Montre-moi, je te dis."
Je ne le ferai pas.
"Tu ne feras rien ?"
Non.
"Je vais te donner un coup de bâton sur les épaules."
Je m'en moque.
"Ah ! tu fais le malin !"
Aie, aie, aie ! Ah ! monsieur, ah, ah, ah, ah.
"Voilà une petite leçon pour t'apprendre à ne pas parler insolentemente."
Ah ! maudit soit le gascon ! Ah.
Prenez garde. En voici un autre qui a la mine d’un étranger.
Cet endroit est le même que celui du Gascon, pour le changement de langage, et le jeu de théâtre.
« Parti, moi courir comme une Basque, et moi ne pouvre point troufair de tout le jour sti diable de Gironte. » Cachez-vous bien. « Dites-moi un peu, fous, montsir l’homme, s’il ve plaît, fous, safoir point où l’est sti Gironte que moi cherchair ? » Non, monsieur, je ne sais point où est Géronte. « Dites-moi-le vous frenchemente ; moi li fouloir pas grande chose à lui. L’est seulemente pour li donnair un petite régale sur le dos d’un douzaine de coups de bâtonne, et de trois ou quatre petites coups d’épée au trafers de son poitrine. » Je vous assure, monsieur, que je ne sais pas où il est. « Il me semble que j’y foi remuair quelque chose dans sti sac. » Pardonnez-moi, monsieur. « Li est assurément quelque histoire là-tetans. » Point du tout, monsieur. « Moi l’avoir enfie de tonner ain coup d’épée dans sti sac. » Ah ! monsieur, gardez-vous-en bien. « Montre-le-moi un peu, fous, ce que c’être là. » Tout beau, monsieur. « Quement, tout beau ! » Vous n’avez que faire de vouloir voir ce que je porte. « Et moi, je le fouloir foir, moi. » Vous ne le verrez point. « Ah que de badinemente. » Ce sont hardes qui m’appartiennent. « Montre-moi, fous, te dis-je. » Je n’en ferai rien. « Toi ne faire rien ? » Non. « Moi pailler de ste bâtonne dessus les épaules de toi. » Je me moque de cela. « Ah ! toi faire le trôle ! » Ahi, ahi, ahi ! Ah ! monsieur, ah, ah, ah, ah. « Jusqu’au refoir l’être là un petit leçon pour li apprendre à toi à parler insolentemente. » Ah ! peste soit du baragouineux ! Ah.
Ah ! je suis battu.
sortant sa tête du sac.
Ah ! je suis roué.
Ah ! je suis mort.
Ah ! je suis mort.
Pourquoi diable faut-il qu'ils frappent sur mon dos ?
Pourquoi diantre faut-il qu’ils frappent sur mon dos ?
Attention, voici une demi-douzaine de soldats.
(Imitant la voix de plusieurs personnes.)
"Allons, cherchons ce Géronte, cherchons partout. Ne ménageons pas nos pas. Parcourons toute la ville. N'oublions aucun lieu. Visitons tout. Fouillons de tous les côtés. Par où irons-nous? Par là. Non, par ici. À gauche. À droite. Non. Oui."
Cachez-vous bien.
"Ah! Camarades, voici son valet. Allons, coquin, tu dois nous dire où est ton maître."
Hé! Messieurs, ne me maltraitez pas.
"Allons, dis-nous où il est. Parle. Dépêche-toi. Vite. Vite."
Hé! Messieurs, doucement.
"Si tu ne nous fais pas trouver ton maître tout de suite, nous allons te donner une bonne correction."
Je préfère souffrir que de vous révéler où est mon maître.
"Nous allons t'assommer."
Faites ce que vous voulez.
"Tu veux être battu?"
Je ne trahirai pas mon maître.
"Ah! Tu veux goûter?"
Oh!
(Comme il est prêt de frapper, Géronte sort du sac, et Scapin s’enfuit.)
Prenez garde, voici une demi-douzaine de soldats tout ensemble.
Contrefaisant plusieurs personnes ensemble.
« Allons, tâchons à trouver ce Géronte, cherchons partout. N’épargnons point nos pas. Courons toute la ville. N’oublions aucun lieu. Visitons tout. Furetons de tous les côtés. Par où irons-nous ? Tournons par là. Non, par ici. À gauche. À droit. Nenni. Si fait. »
À Géronte, avec sa voix ordinaire.
Cachez-vous bien. « Ah ! camarades, voici son valet. Allons, coquin, il faut que tu nous enseignes où est ton maître. » Hé ! messieurs, ne me maltraitez point. « Allons, dis-nous où il est. Parle. Hâte-toi. Expédions. Dépêche vite. Tôt. » Hé ! messieurs, doucement.
Géronte met doucement la tête hors du sac, et aperçoit la fourberie de Scapin.
« Si tu ne nous fais trouver ton maître tout à l’heure, nous allons faire pleuvoir sur toi une ondée de coups de bâton. » J’aime mieux souffrir toute chose que de vous découvrir mon maître. « Nous allons t’assommer. » Faites tout ce qu’il vous plaira. « Tu as envie d’être battu ? » Je ne trahirai point mon maître. « Ah ! tu veux en tâter ? » Oh !
Comme il est prêt de frapper, Géronte sort du sac, et Scapin s’enfuit.
Ah ! infâme ! ah ! traître ! ah ! scélérat ! C’est ainsi que tu m’assassines ?
seul.
Ah ! infâme ! ah ! traître ! ah ! scélérat ! C’est ainsi que tu m’assassines ?