Version Moderne
Version Originale
Je me demande si c'était une bonne idée d'enterrer dix mille écus dans mon jardin. C'est une grosse somme à avoir chez soi... Oh non, je viens de me trahir ! J'ai parlé trop fort en réfléchissant à voix haute. Qu'est-ce que c'est ?
Cependant, je ne sais si j'aurai bien fait d'avoir enterré, dans mon jardin, dix mille écus qu'on me rendit hier. Dix mille écus en or, chez soi, est une somme assez...
O ciel ! je me serai trahi moi-même ! la chaleur m'aura emporté, et je crois que j'ai parlé haut, en raisonnant tout seul.
Qu'est-ce ?
Rien, papa.
Rien, mon père.
Vous êtes là depuis longtemps ?
Y a-t-il longtemps que vous êtes là ?
Nous venons d'arriver.
Nous ne venons que d'arriver.
Vous avez entendu...
Vous avez entendu...
Quoi, papa ?
Quoi, mon père ?
Ce que je viens de dire à haute voix.
Ce que je viens de dire.
Si, si.
Si fait, si fait.
Excuse-moi.
Pardonnez-moi.
Je vois que vous avez entendu quelques mots. Je parlais tout seul de la difficulté de trouver de l'argent aujourd'hui, et je disais que celui qui a dix mille écus chez lui est très chanceux.
Je vois bien que vous en avez ouï quelques mots. C'est que je m'entretenais en moi-même de la peine qu'il y a aujourd'hui à trouver de l'argent, et je disais qu'il est bien heureux qui peut avoir dix mille écus chez soi.
Nous hésitions à vous approcher, de peur de vous interrompre.
Nous feignions à vous aborder, de peur de vous interrompre.
Je vous le dis pour éviter toute confusion, ne pensez pas que je prétends posséder dix mille écus.
Je suis bien aise de vous dire cela, afin que vous n'alliez pas prendre les choses de travers, et vous imaginer que je dise que c'est moi qui ai dix mille écus.
On ne se mêle pas de vos affaires.
Nous n'entrons point dans vos affaires.
Si seulement j'avais dix mille écus !
Plût à Dieu que je les eusse, dix mille écus !
Je ne crois pas...
Je ne crois pas...
Ce serait une bonne affaire pour moi.
Ce serait une bonne affaire pour moi.
Ces sont des choses...
Ces sont des choses...
J'en aurais vraiment besoin.
J'en aurais bon besoin.
Je pense que...
Je pense que...
Ça m'arrangerait beaucoup.
Cela m'accommoderait fort.
Vous êtes...
Vous êtes...
Et je ne me plaindrais pas de la misère du temps, comme je le fais maintenant.
Et je ne me plaindrais pas de ma misère, comme je le fais maintenant.
Papa, tu n'as pas à te plaindre, tout le monde sait que tu es riche.
Mon Dieu ! mon père, vous n'avez pas lieu de vous plaindre et l'on sait que vous avez assez de bien.
Qui a dit que je suis riche ? C'est faux, ce sont des rumeurs malveillantes.
Comment, j'ai assez de bien ! Ceux qui le disent en ont menti. Il n'y a rien de plus faux ; et ce sont des coquins qui font courir tous ces bruits-là.
Calme-toi.
Ne vous mettez point en colère.
C'est incroyable que mes propres enfants me trahissent et deviennent mes ennemis.
Cela est étrange que mes propres enfants me trahissent et deviennent mes ennemis.
Est-ce mal de dire que tu es riche ?
Est-ce être votre ennemi que de dire que vous avez du bien ?
Oui. Ces paroles et les dépenses que tu fais vont finir par me causer des ennuis. On finira par venir chez moi pour me tuer, en pensant que je suis rempli de pièces d'or.
Oui. De pareils discours, et les dépenses que vous faites, seront cause qu'un de ces jours on me viendra chez moi couper la gorge, dans la pensée que je suis tout cousu de pistoles.
Quelle grande dépense est-ce que je fais ?
Quelle grande dépense est-ce que je fais ?
Ton train de vie luxueux est scandaleux. Je t'ai déjà dit que je n'approuve pas ton comportement, tu agis comme un marquis. Pour vivre ainsi, tu dois me voler.
Quelle ? Est-il rien de plus scandaleux que ce somptueux équipage que vous promenez par la ville ? Je querellais hier votre soeur ; mais c'est encore pis. Voilà qui crie vengeance au ciel ; et, à vous prendre depuis les pieds jusqu'à la tête, il y aurait là de quoi faire une bonne constitution. Je vous l'ai dit vingt fois, mon fils, toutes vos manières me déplaisent fort ; vous donnez furieusement dans le marquis ; et, pour aller ainsi vêtu, il faut bien que vous me dérobiez.
Comment est-ce que je pourrais te voler ?
Hé ! comment vous dérober ?
Je ne sais pas. Comment peux-tu te permettre un tel train de vie ?
Que sais-je ? Où pouvez-vous donc prendre de quoi entretenir l'état que vous portez ?
Papa, je joue et je gagne beaucoup, donc je dépense tout ce que je gagne.
Moi, mon père ? C'est que je joue ; et, comme je suis fort heureux, je mets sur moi tout l'argent que je gagne.
C'est une mauvaise idée. Si tu gagnes au jeu, tu devrais investir cet argent pour le faire fructifier. Et pourquoi dépenses-tu autant en rubans et perruques ? Tu pourrais simplement porter tes propres cheveux, c'est gratuit ! Je parie que tu dépenses au moins vingt pistoles en perruques et rubans, qui pourraient te rapporter dix-huit livres six sols huit deniers par an si tu les investissais.
C'est fort mal fait. Si vous êtes heureux au jeu, vous en devriez profiter, et mettre à honnête intérêt l'argent que vous gagnez, afin de le trouver un jour. Je voudrais bien savoir, sans parler du reste, à quoi servent tous ces rubans dont vous voilà lardé depuis les pieds jusqu'à la tête, et si une demi-douzaine d'aiguillettes ne suffit pas pour attacher un haut-de-chausses. Il est bien nécessaire d'employer de l'argent à des perruques, lorsque l'on peut porter des cheveux de son cru, qui ne coûtent rien ! Je vais gager qu'en perruques et rubans il y a du moins vingt pistoles ; et vingt pistoles rapportent par année dix-huit livres six sols huit deniers, à ne les placer qu'au denier douze .
Tu as raison.
Vous avez raison.
Laissons ça, et parlons d'autre chose. Hé ! Je crois qu'ils se font signe pour me voler ma bourse. Que signifient ces gestes ?
Laissons cela, et parlons d'autre affaire. Euh ?
Hé !
Je crois qu'ils se font signe l'un à l'autre de me voler ma bourse.
Que veulent dire ces gestes-là ?
Mon frère et moi discutons pour savoir qui te parlera en premier. Nous avons tous les deux quelque chose à te dire.
Nous marchandons, mon frère et moi, à qui parlera le premier, et nous avons tous deux quelque chose à vous dire.
Et moi, j'ai aussi quelque chose à vous dire à tous les deux.
Et moi, j'ai quelque chose aussi à vous dire à tous deux.
Nous voulons te parler de mariage, papa.
C'est de mariage, mon père, que nous désirons vous parler.
Moi aussi, je veux vous parler de mariage.
Et c'est de mariage aussi que je veux vous entretenir.
Oh, papa !
Ah ! mon père !
Pourquoi cette réaction? Est-ce le mot ou l'idée de mariage qui te fait peur, ma fille?
Pourquoi ce cri ? Est-ce le mot, ma fille, ou la chose, qui vous fait peur ?
Le mariage nous effraie tous les deux, comme tu peux le comprendre ; et nous avons peur que nos sentiments ne correspondent pas à ton choix.
Le mariage peut nous faire peur à tous deux, de la façon que vous pouvez l'entendre ; et nous craignons que nos sentiments ne soient pas d'accord avec votre choix.
Soyez patients ; ne vous inquiétez pas. Je sais ce qui est bon pour vous deux, et ni l'un ni l'autre n'aurez de raison de vous plaindre de mes intentions. Pour commencer, avez-vous rencontré une jeune femme nommée Mariane qui habite près d'ici ?
Un peu de patience ; ne vous alarmez point. Je sais ce qu'il faut à tous deux, et vous n'aurez, ni l'un ni l'autre, aucun lieu de vous plaindre de tout ce que je prétends faire ; et, pour commencer par un bout,
avez-vous vu, dites-moi, une jeune personne appelée Mariane, qui ne loge pas loin d'ici ?
Oui, père. - Harpagon- Et toi ?
Oui, mon père. - Harpagon- Et vous ?
J'en ai entendu parler.
J'en ai ouï parler.
Que penses-tu de cette fille, mon fils ?
Comment, mon fils, trouvez-vous cette fille ?
Une personne très charmante.
Une fort charmante personne.
Son apparence ?
Sa physionomie ?
Très respectable et intelligente.
Tout honnête et pleine d'esprit.
Son allure et son comportement ?
Son air et sa manière ?
Admirables, sans aucun doute.
Admirables, sans doute.
Penses-tu qu'une fille comme elle mérite qu'on pense à elle ?
Ne croyez-vous pas qu'une fille comme cela mériterait assez que l'on songeât à elle ?
Oui, papa.
Oui, mon père.
Ce serait un bon choix, n'est-ce pas ?
Que ce serait un parti souhaitable ?
Très bon choix.
Très souhaitable.
Elle semble capable de bien gérer un foyer ?
Qu'elle a toute la mine de faire un bon ménage ?
Certainement.
Sans doute.
Et un mari serait satisfait avec elle ?
Et qu'un mari aurait satisfaction avec elle ?
Il y a un petit problème , j'ai peur qu'elle n'apporte pas autant de biens qu'on pourrait espérer.
Il y a une petite difficulté , c'est que j'ai peur qu'il n'y ait pas, avec elle, tout le bien qu'on pourrait prétendre.
Ah, papa, la richesse n'est pas importante quand on épouse une personne honnête.
Ah ! mon père, le bien n'est pas considérable, lorsqu'il est question d'épouser une honnête personne.
Excusez-moi, mais si elle n'apporte pas tout ce qu'on souhaite, on peut compenser ailleurs.
Pardonnez-moi, pardonnez-moi. Mais ce qu'il y a à dire, c'est que, si l'on n'y trouve pas tout le bien qu'on souhaite, on peut tâcher de regagner cela sur autre chose.
C'est compréhensible.
Cela s'entend.
Enfin, je suis content que tu partages mon avis ; son comportement respectable et sa douceur m'ont séduit, et je suis décidé à l'épouser, à condition qu'elle apporte quelque chose.
Enfin je suis bien aise de vous voir dans mes sentiments ; car son maintien honnête et sa douceur m'ont gagné l'âme, et je suis résolu de l'épouser, pourvu que j'y trouve quelque bien.
Tu es décidé, dis-tu ?
Vous êtes résolu, dites-vous... ?
À épouser Mariane.
D'épouser Mariane.
Qui ? toi ?
Qui ? Vous, vous ?
Oui, moi, moi, moi. Qu'est-ce que cela signifie ?
Oui, moi, moi, moi. Que veut dire cela ?
J'ai soudainement eu un vertige, je dois partir d'ici.
Il m'a pris tout à coup un éblouissement, et je me retire d'ici.