Version Moderne
Version Originale
Valère, on t'a choisi pour trancher entre ma fille et moi.
Ici, Valère. Nous t'avons élu pour nous dire qui a raison de ma fille ou de moi.
C'est vous, monsieur, sans aucun doute.
C'est vous, monsieur, sans contredit.
Sais-tu de quoi on parle ?
Sais-tu bien de quoi nous parlons ?
Non, mais vous ne pouvez pas avoir tort, vous avez toujours raison.
Non ; mais vous ne sauriez avoir tort, et vous êtes toute raison.
Je veux lui donner un mari riche et sage ce soir ; mais elle refuse. Qu'en penses-tu ?
Je veux ce soir lui donner pour époux un homme aussi riche que sage ; et la coquine me dit au nez qu'elle se moque de le prendre. Que dis-tu de cela ?
Qu'est-ce que j'en pense ?
Ce que j'en dis ?
Je pense que, au fond, je suis d'accord avec vous ; et vous avez sûrement raison. Mais elle n'a pas tout à fait tort non plus, et...
Je dis que, dans le fond, je suis de votre sentiment ; et vous ne pouvez pas que vous n'ayez raison . mais aussi n'a-t-elle pas tort tout à fait, et...
Comment ? Le seigneur Anselme est un bon parti ; c'est un gentilhomme noble, doux, calme, sage et bien établi, et il n'a pas d'enfant de son premier mariage. Pourrait-elle trouver mieux ?
Comment ? Le seigneur Anselme est un parti considérable ; c'est un gentilhomme qui est noble, doux, posé, sage et fort accommodé, et auquel il ne reste aucun enfant de son premier mariage. Saurait-elle mieux rencontrer ?
C'est vrai. Mais elle pourrait vous dire que c'est un peu précipité, et qu'il faudrait attendre un certain temps pour voir si elle pourra s'entendre avec...
Cela est vrai. Mais elle pourrait vous dire que c'est un peu précipiter les choses, et qu'il faudrait au moins quelque temps pour voir si son inclination pourra s'accommoder avec...
C'est une opportunité à saisir rapidement. J'y vois un avantage que je ne trouverais pas ailleurs ; il accepte de l'épouser sans dot.
C'est une occasion qu'il faut prendre vite aux cheveux. Je trouve ici un avantage qu'ailleurs je ne trouverais pas ; et il s'engage à la prendre sans dot.
Ah ! Dans ce cas, je n'ai rien à dire. C'est une raison très convaincante ; on ne peut pas l'ignorer.
Ah ! je ne dis plus rien. Voyez-vous ? voilà une raison tout à fait convaincante ; il se faut rendre à cela.
C'est une économie considérable pour moi.
C'est pour moi une épargne considérable.
Certainement ; on ne peut pas le nier. Il est vrai que votre fille pourrait vous faire remarquer que le mariage est une affaire sérieuse ; qu'il s'agit de son bonheur ou de son malheur pour toute sa vie ; et qu'un engagement à vie ne doit pas être pris à la légère.
Assurément ; cela ne reçoit point de contradiction. Il est vrai que votre fille vous peut représenter que le mariage est une plus grande affaire qu'on ne peut croire ; qu'il y va d'être heureux ou malheureux toute sa vie ; et qu'un engagement qui doit durer jusqu'à la mort ne se doit jamais faire qu'avec de grandes précautions.
Vous avez raison ! C'est un argument décisif ; c'est clair. Certains pourraient vous dire qu'il faut prendre en compte les sentiments de la fille ; et que la grande différence d'âge, de caractère et de sentiments peut rendre un mariage problématique.
Vous avez raison ! voilà qui décide tout ; cela s'entend. Il y a des gens qui pourraient vous dire qu'en de telles occasions l'inclination d'une fille est une chose, sans doute, où l'on doit avoir de l'égard ; et que cette grande inégalité d'âge, d'humeur et de sentiments, rend un mariage sujet à des accidents fâcheux.
Ah ! Il n'y a pas de réponse à cela ; tout le monde le sait ! Qui peut contester cela ? Ce n'est pas qu'il n'y a pas beaucoup de pères qui préféreraient satisfaire leurs filles plutôt que de donner de l'argent ; qui ne voudraient pas les sacrifier pour l'argent, et chercheraient à instaurer dans un mariage une harmonie qui maintient constamment l'honneur, la tranquillité et la joie ; et que...
Ah ! il n'y a pas de réplique à cela ; on le sait bien ! Qui diantre peut aller là contre ? Ce n'est pas qu'il n'y ait quantité de pères qui aimeraient mieux ménager la satisfaction de leurs filles que l'argent qu'ils pourraient donner ; qui ne les voudraient point sacrifier à l'intérêt, et chercheraient, plus que toute autre chose, à mettre dans un mariage cette douce conformité qui sans cesse y maintient l'honneur, la tranquillité et la joie ; et que...
C'est vrai, cela cloue le bec à tout le monde. Pas de dot ! Comment résister à une raison comme celle-ci !
Il est vrai ; cela ferme la bouche à tout. Sans dot ! Le moyen de résister à une raison comme celle-là !
Attends ! Il me semble que j'entends un chien aboyer. Quelqu'un en veut-il à mon argent ?
Ne bouge pas, je reviens tout de suite.
Ouais ! Il me semble que j'entends un chien qui aboie. N'est-ce point qu'on en voudrait à mon argent ?
Ne bougez, je reviens tout à l'heure.