Version Moderne
Version Originale
Toinette.
(la regardant d’un œil languissant, lui dit confidemment)
Toinette.
Regarde-moi un peu.
Regarde-moi un peu.
Hé bien ! je vous regarde.
Hé bien ! je vous regarde.
Hé bien, quoi, « Toinette » ?
Hé bien, quoi, « Toinette » ?
Tu ne devines pas de quoi je veux parler ?
Ne devines-tu point de quoi je veux parler ?
Je m'en doute assez; de notre jeune amant. Depuis six jours, nos conversations tournent toujours autour de lui. Et tu ne peux t'empêcher d'en parler à tout moment.
Je m’en doute assez; de notre jeune amant; car c’est sur lui, depuis six jours, que roulent tous nos entretiens; et vous n’êtes point bien si vous n’en parlez à toute heure.
Si tu sais ça, pourquoi n'es-tu pas la première à en parler, et pourquoi ne m'épargnes-tu pas la peine de lancer la conversation ?
Puisque tu connois cela, que n’es-tu donc la première à m’en entretenir, et que ne m’épargnes-tu la peine de te jeter sur ce discours ?
Tu ne me laisses pas le temps, tu es toujours préoccupée par lui.
Vous ne m’en donnez pas le temps, et vous avez des soins là-dessus qu’il est difficile de prévenir.
Je dois admettre que je ne me lasse pas de parler de lui, et j'aime partager mes sentiments avec toi. Mais dis-moi, Toinette, condamnes-tu mes sentiments pour lui ?
Je t’avoue que je ne saurois me lasser de te parler de lui, et que mon cœur profite avec chaleur de tous les moments de s’ouvrir à toi. Mais dis-moi, condamnes-tu, Toinette, les sentiments que j’ai pour lui ?
Pas du tout.
Je n’ai garde.
Ai-je tort de me laisser emporter par ces doux sentiments ?
Ai-je tort de m’abandonner à ces douces impressions ?
Je ne dis pas cela.
Je ne dis pas cela.
Et est-ce que tu voudrais que je sois indifférente à ses déclarations d'amour passionnées ?
Et voudrois-tu que je fusse insensible aux tendres protestations de cette passion ardente qu’il témoigne pour moi ?
Absolument pas !
À Dieu ne plaise !
Dis-moi, ne penses-tu pas, comme moi, que cette rencontre inattendue a quelque chose de divin, un effet du destin ?
Dis-moi un peu, ne trouves-tu pas, comme moi, quelque chose du Ciel, quelque effet du destin, dans l’aventure inopinée de notre connoissance ?
Tu ne trouves pas qu'il est galant de prendre ma défense alors qu'il ne me connait même pas ?
Ne trouves-tu pas que cette action d’embrasser ma défense sans me connoître est tout à fait d’un honnête homme ?
On peut pas faire plus généreux, non ?
Que l’on ne peut pas en user plus généreusement ?
Tout à fait d'accord.
D’accord.
Et il a fait tout ça avec beaucoup de charme, non ?
Et qu’il fit tout cela de la meilleure grâce du monde ?
Oh oui, absolument.
Oh ! oui.
Tu ne trouves pas qu'il est vraiment beau ?
Ne trouves-tu pas, Toinette, qu’il est bien fait de sa personne ?
Certainement.
Assurément.
Il a l'air parfait, n'est-ce pas ?
Qu’il a l’air le meilleur du monde ?
Ses paroles et ses actions ont quelque chose de noble, tu ne trouves pas ?
Que ses discours, comme ses actions, ont quelque chose de noble ?
Sa passion dépasse tout ce qu'on peut entendre, n'est ce pas ?
Qu’on ne peut rien entendre de plus passionné que tout ce qu’il me dit ?
Et ne trouves-tu pas aussi frustrant que moi le fait qu'on me retienne, m'empêchant de répondre à son amour ?
Et qu’il n’est rien de plus fâcheux que la contrainte où l’on me tient, qui bouche tout commerce aux doux empressements de cette mutuelle ardeur que le Ciel nous inspire ?
Tu as raison.
Vous avez raison.
Mais, Toinette, penses-tu qu'il m'aime autant qu'il le prétend ?
Mais, ma pauvre Toinette, crois-tu qu’il m’aime autant qu’il me le dit ?
Eh bien, ces choses-là sont parfois douteuses. Les déclarations d'amour peuvent être trompeuses, j'ai vu de grands acteurs jouer ce rôle.
Eh, eh ! ces choses-là, parfois, sont un peu sujettes à caution. Les grimaces d’amour ressemblent fort à la vérité; et j’ai vu de grands comédiens là-dessus.
Oh ! Toinette, que dis-tu ? Est-ce possible qu'il me mente ?
Ah ! Toinette, que dis-tu là ? Hélas ! de la façon qu’il parle, seroit-il bien possible qu’il ne me dît pas vrai ?
De toute façon, tu le sauras bientôt. Sa décision de te demander en mariage, qu'il t'a annoncée hier, te montrera s'il est sincère ou non. C'est le meilleur moyen de le savoir.
En tout cas, vous en serez bientôt éclaicie; et la résolution où il vous écrivit hier qu’il étoit de vous faire demander en mariage est une prompte voie à vous faire connoître s’il vous dit vrai, ou non; c’en sera là la bonne preuve.
Ah ! Toinette, si celui-là me trompe, je ne croirai plus jamais en aucun homme.
Ah ! Toinette, si celui-là me trompe, je ne croirai de ma vie aucun homme.
Voilà ton père qui revient.
Voilà votre père qui revient.