Version Moderne
Version Originale
On a raté notre coup, Sganarelle, et la tempête a fait chavirer notre bateau et nos plans. Mais pour être honnête, la paysanne que je viens de laisser m'a fait oublier cet échec. Elle a un charme qui m'a fait perdre toute ma tristesse. Je ne veux pas la laisser filer, et je l'ai déjà préparée à ne pas me résister longtemps.
Nous avons manqué notre coup Sganarelle, et cette bourrasque imprévue a renversé, avec notre barque, le projet que nous avions fait ; mais à te dire vrai la paysanne que je viens de quitter répare ce malheur, et je lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon esprit tout le chagrin que me donnait le mauvais succès de notre entreprise ; il ne faut pas que ce cœur m’échappe, et j’y ai déjà jeté des dispositions à ne me pas souffrir de pousser longtemps des soupirs.
Monsieur, je suis surpris. On vient d'éviter la mort, et au lieu de remercier le ciel, vous cherchez à nouveau à provoquer sa colère avec vos caprices et vos aventures amoureuses... Taisez-vous, idiot, vous ne savez pas ce que vous dites. Monsieur sait ce qu'il fait, allons.
Monsieur j’avoue que vous m’étonnez, à présent que nous sommes échappés d’un péril de mort, qu’au lieu de rendre grâce au ciel de la peine qu’il a daigné prendre de nous, vous travaillez tout de nouveau à vous attirer sa colère par vos fantaisies accoutumées et vos amours cr... paix, coquin que vous êtes, vous ne savez ce que vous dites, et Monsieur sait ce qu’il fait, allons
Regarde cette autre paysanne, n'est-elle pas charmante ? Sganarelle, tu ne trouves pas qu'elle vaut la première ?
Ah ah, d’où sort cette autre Paysanne ? Sganarelle as-tu rien vu de plus joli, et ne trouves tu pas, dis-moi, que celle-ci vaut bien l’autre ?
Tout à fait. Encore une nouvelle conquête.
Assurément. Autre pièce nouvelle.
D'où viens-tu, ma belle, pour me faire une si agréable surprise ? Comment, dans cette campagne, parmi les arbres et les rochers, peut-on trouver quelqu'un d'aussi charmant que toi ?
D’où me vient, la belle, une rencontre si agréable ? quoi, dans ces lieux champêtres, parmi ces arbres, et ces Rochers, on trouve des personnes faites comme vous êtes ?
Comme vous voyez, monsieur.
Vous voyez Monsieur.
Êtes-vous de ce Village ?
Êtes-vous de ce Village ?
Oui Monsieur.
Oui Monsieur.
Et vous y demeurez ?
Et vous y demeurez ?
Oui Monsieur.
Oui Monsieur.
Vous vous appellez.
Vous vous appellez.
Charlotte pour vous servir.
Charlotte pour vous servir.
Ah la belle personne, et que ses yeux sont pénétrants !
Ah la belle personne, et que ses yeux sont pénétrants !
Monsieur, vous me faites rougir.
Monsieur vous me rendez toute honteuse.
Oh, n'ayez pas honte d'entendre la vérité. Sganarelle, qu'en penses-tu ? Peut-on trouver quelqu'un de plus charmant ? Tournez-vous un peu, s'il vous plaît. Cette silhouette est vraiment jolie ! Et le visage, magnifique ! Ouvrez complètement les yeux, qu'ils sont beaux ! Montrez-moi vos dents, je vous prie. Elles sont ravissantes, et ces lèvres sont appétissantes ! Pour ma part, je suis enchanté, je n'ai jamais vu une personne aussi charmante.
Ah n’ayez point de honte d’entendre dire vos vérités. Sganarelle qu’en dis tu ? peut on rien voir de plus agréable ? tournez-vous un peu s’il vous plaît ; ah que cette taille est jolie ! haussez un peu la tête de grâce. ah que ce visage est mignon ! ouvrez vos yeux entièrement, ah qu’ils sont beaux ! que je voie un peu vos dents, je vous prie. Ah qu’elles sont amoureuses, et ces lèvres appétissantes ! pour moi je suis ravi, et je n’ai jamais veu une si charmante personne.
Monsieur, vous dites cela pour me taquiner, je crois.
Monsieur, cela vous plaît à dire, et je ne sais pas si c’est pour vous railler de moi.
Moi, vous taquiner ? Non, je vous en prie, je vous parle du fond du cœur.
Moi, me railler de vous, Dieu m’en garde, je vous aime trop pour cela, c’est du fond du cœur que je vous parle.
Si c'est vrai, merci.
Je vous suis bien obligée si cela est.
Pas du tout, vous ne me devez rien pour ce que je dis, c'est à votre beauté que vous devez tout cela.
Point du tout, vous ne m’êtes point obligée de tout ce que je dis, et ce n’est que à votre beauté que vous en êtes redevable.
Monsieur, vous parlez trop bien pour moi, je ne sais pas quoi répondre.
Monsieur, tout ça est trop bien dit pour moi, et je n’ai pas d’esprit pour vous répondre.
Sganarelle, regarde un peu ses mains.
Sganarelle, regarde un peu ses mains.
Oh, Monsieur, elles sont sales.
Fi, Monsieur, elles sont noires comme je ne sais quoi.
Mais non, elles sont magnifiques, laissez-moi les embrasser, s'il vous plaît.
Ah que dites vous là ? elles sont les plus belles du monde, souffrez que je les baise, je vous prie.
Monsieur, vous me faites trop d'honneur. Si j'avais su, je les aurais lavées avant.
Monsieur, c’est trop d’honneur que vous me faites, et si j’avais su ça tantôt je n’aurais pas manqué de les laver avec du son.
Dites-moi, Charlotte, vous n'êtes pas mariée, n'est-ce pas ?
Et dites-moi un peu, belle Charlotte, vous n’êtes pas mariée sans doute ?
Non, Monsieur, mais je vais me marier avec Pierrot, le fils de notre voisine Simonette.
Non Monsieur, mais je dois bien l’être avec Piarrot, le fils de la voisine Simonette.
Quoi ! Vous, si belle, épouser un simple paysan ? Non, vous méritez mieux. Je vous aime, et je veux vous sortir de ce village misérable. Je vous aime autant en un quart d'heure que d'autres en six mois.
Quoi ! une personne comme vous seriez la femme d’un simple Paysan ? non, non, c’est profaner tant de beauté, et vous n’êtes pas née pour demeurer dans un Village ; vous méritez sans doute une meilleure fortune, et le Ciel qui le connaît bien m’a conduit ici tout exprès pour empêcher ce mariage, et rendre justice à vos charmes ; car enfin, belle Charlotte, je vous aime de tout mon cœur, et il ne tiendra qu’à vous que je ne vous arrache de ce lieu misérable, et ne vous mette dans l’état où vous méritez d’être ; cet amour est bien prompt sans doute ; mais quoi ! c’est un éclat, Charlotte, de votre grande beauté, et l’on vous aime autant en un quart d’heure qu’on ferait une autre en six mois.
Monsieur, je ne sais pas, quand vous parlez, ça me rend heureuse. J'aimerais vous croire, mais on m'a toujours dit de ne pas faire confiance aux hommes comme vous, que vous ne cherchez qu'à tromper les filles.
Aussi vrai, Monsieur, je ne sais comment vous faites quand vous parlez, ce que vous dites me fait aise, et j’aurais toutes les envies du monde de vous croire, mais on m’a toujours dit qu’il ne faut jamais croire les Monsieurs, et que vous autres Courtisans vous êtes des enjôleurs qui ne songez qu’à abuser les filles.
Je ne suis pas comme les autres.
Je ne suis pas de ces gens-là.
Absolument pas.
Il n’a garde.
Monsieur, je suis une pauvre paysanne mais j’ai de l’honneur, et je préfère mourir que d’être déshonorée.
Voyez-vous, Monsieur, il n’y a pas plaisir à se laisser abuser : je suis une pauvre paysanne, mais j’ai l’honneur en recommandation, et j’aimerais mieux me voir morte que de me voir déshonorée.
Moi, abuser de vous ? Non, je vous aime honnêtement et je veux vous épouser. Je suis prêt à le prouver quand vous voulez.
Moi j’aurais l’âme assez méchante pour abuser une personne comme vous ? je serais assez lâche pour vouloir vous déshonorer ? non, non, j’ai trop de conscience pour cela ; je vous aime Charlotte en tout bien et en tout honneur, et pour vous montrer que je vous dis vrai, sachez que je n’ai point d’autre dessein que de vous épouser. En voulez vous un plus grand témoignage ? m’y voilà prêt quand vous voudrez, et je prends à témoin l’homme que voilà de la parole que je vous donne.
Ne vous inquiétez pas, il vous épousera.
Non, non, ne craignez point, il se mariera avec vous tant que vous voudrez.
Charlotte, vous me faites une injustice en me comparant aux autres. Si certains hommes sont malhonnêtes, vous devez me croire différent. Votre beauté vous protège contre ce genre de tromperie. Vous n'avez pas l'air de quelqu'un qu'on peut duper, et je me ferais mille blessures plutôt que de penser à vous trahir.
Eh Charlotte, je vois bien que vous ne me connaissez pas encore, vous me faites grand tort de juger de moi par les autres ; et s’il y a des fourbes dans le monde, des gens qui ne cherchent qu’à abuser des filles, vous devez me tirer du nombre, et ne pas mettre en doute la sincérité de ma foi ; et puis votre beauté vous assure de tout ; quand on est faite comme vous, on doit être à couvert de toutes ces sortes de créances ; vous n’avez point l’air, croyez-moi, d’une personne qu’on abuse, et pour moi, je vous l’avoue, je me percerais le cœur de mille coups si j’avais eu la moindre pensée de vous trahir.
Mon Dieu, je ne sais pas si vous êtes sincère, mais vous êtes convaincant.
Mon Dieu, je ne sais si vous dites vrai ou non, mais vous faites que l’on vous croie.
Si vous me croyez, alors vous me rendez justice. Je vous promets encore une fois de vous épouser. Voulez-vous être ma femme ?
Lorsque vous me croyez, vous me rendez justice assurément, et je vous réitère encore la promesse que je vous ai faite, ne la croyez-vous pas ? et ne voulez-vous pas consentir à être ma femme ?
Oui, si ma tante est d'accord.
Oui, pourvu que ma tante le veuille.
Alors, donnez-moi votre main, pour montrer que vous êtes d'accord.
Touchez donc là, Charlotte, que vous le voulez donc bien de votre part.
Mais ne me trompez pas, s'il vous plaît. Cela serait malhonnête de votre part, et vous voyez bien que je vous fais confiance.
Mais au moins Monsieur, ne m’y allez pas tromper je vous prie, il y aurait de la conscience à vous, et vous voyez comme j’y vais à la bonne foi.
Vous doutez encore de moi ? Voulez-vous que je jure solennellement ?
Comment, il semble que vous doutiez encore de ma sincérité ! voulez-vous que je vous fasse des serments épouvantables ? que le Ciel.
Mon Dieu ! ne jurez point, je vous crois.
Mon Dieu ! ne jurez point, je vous crois.
Alors donnez-moi un baiser comme preuve de votre promesse.
Donnez-moi donc un petit baiser pour gage de votre parole.
Oh, Monsieur ! Attendez qu'on soit mariés, s'il vous plaît. Après, je vous embrasserai autant que vous voudrez.
Oh, Monsieur ! attendez que je soyons mariées, je vous prie, après ça je vous baiserai tant que vous voudrez.
Très bien, Charlotte, je respecte votre choix. Donnez-moi votre main et laissez-moi exprimer par des baisers ma joie.
Et bien, belle Charlotte, je veux tout ce que vous voulez, abandonnez-moi seulement votre main, et souffrez, que par cent baisers je lui exprime le ravissement où je suis.