Version Moderne
Version Originale
Oh mon Dieu, quelle horreur ! Un accident incroyable !
(s’écrie.)
Ah, mon Dieu ! Ah, malheur ! Quel étrange accident !
Qu'est-ce qu'il y a, Toinette ?
Qu’est-ce, Toinette ?
Ah, Madame !
Ah, Madame !
Qu'est-ce qui se passe ?
Qu’y a-t-il ?
Votre mari est mort.
Votre mari est mort.
Mon mari est mort ?
Mon mari est mort ?
Malheureusement oui. Le pauvre mort est décédé.
Hélas ! oui. Le pauvre défunt est trépassé.
Oui, vraiment. Personne n'est encore au courant de cet accident, j'étais là toute seule quand ça s'est passé. Il vient de mourir dans mes bras. Regardez, il est étendu là sur cette chaise.
Assurément. Personne ne sait encore cet accident-là, et je me suis trouvée ici toute seule. Il vient de passer entre mes bras. Tenez, le voilà tout de son long dans cette chaise.
Dieu soit loué ! Je suis enfin libérée d'un lourd fardeau. Toinette, tu es bête de te chagriner pour sa mort !
Le Ciel en soit loué ! Me voilà délivrée d’un grand fardeau. Que tu es sotte, Toinette, de t’affliger de cette mort !
Madame, je pensais qu'il fallait pleurer.
Je pensois, Madame, qu’il fallût pleurer.
Laisse tomber, ça ne vaut pas la peine. Quelle perte représente-t-il ? À quoi servait-il sur terre ? Un homme gênant pour tout le monde, sale, repoussant, toujours avec un lavement ou des médicaments, reniflant, toussant, crachant, sans esprit, ennuyeux, de mauvaise humeur, harcelant constamment le personnel, râlant jour et nuit.
Va, va, cela n’en vaut pas la peine. Quelle perte est-ce que la sienne ? et de quoi servoit-il sur la terre ? Un homme incommode à tout le monde, malpropre, dégoûtant, sans cesse un lavement ou une médecine dans le ventre, mouchant, toussant, crachant toujours, sans esprit, ennuyeux, de mauvaise humeur, fatiguant sans cesse les gens, et grondant jour et nuit servantes et valets.
Voilà un bel éloge funèbre.
Voilà une belle oraison funèbre.
Toinette, tu dois m'aider à réaliser mon plan, et tu peux compter sur une belle récompense pour ton service. Comme par chance personne n'est encore au courant, transportons-le dans son lit et gardons sa mort secrète jusqu'à ce que j'aie mis la main sur certains papiers et de l'argent. Il n'est pas juste que j'aie passé mes meilleures années auprès de lui sans en tirer profit. Viens, Toinette, prenons d'abord toutes ses clés.
Il faut, Toinette, que tu m’aides à exécuter mon dessein, et tu peux croire qu’en me servant ta récompense est sûre. Puisque, par un bonheur, personne n’est encore averti de la chose, portons-le dans son lit, et tenons cette mort cachée, jusqu’à ce que j’aye fait mon affaire. Il y a des papiers, il y a de l’argent dont je veux me saisir, et il n’est pas juste que j’aye passé sans fruit auprès de lui mes plus belles années. Viens, Toinette, prenons auparavant toutes ses clefs.
Doucement.
(se levant brusquement.)
Doucement.
Ah !
(surprise et épouvantée.)
Ahy !
Ah, ma chère épouse, c'est donc ça ton amour pour moi ?
Oui, Madame ma femme, c’est ainsi que vous m’aimez ?
Ah, ah ! le défunt n'est pas mort.
Ah, ah ! le défunt n’est pas mort.
Je suis content de connaître tes vrais sentiments et d'avoir entendu le bel éloge que tu as fait sur moi. Cela me sert de leçon pour l'avenir et m'évitera de faire certaines erreurs.
(à Béline, qui sort.)
Je suis bien aise de voir votre amitié, et d’avoir entendu le beau panégyrique que vous avez fait de moi. Voilà un avis au lecteur qui me rendra sage à l’avenir, et qui m’empêchera de faire bien des choses.
Voilà, mon frère, tu vois.
(sortant de l’endroit où il étoit caché.)
Hé bien ! mon frère, vous le voyez.
Ma foi, je n'aurais jamais cru ça. Mais j'entends votre fille ; remettez-vous comme avant, et voyons comment elle réagira à votre mort. C'est intéressant à savoir ; et puisque vous êtes lancé, vous découvrirez ainsi les vrais sentiments de votre famille envers vous.
Par ma foi ! je n’aurois jamais cru cela. Mais j’entends votre fille; remettez-vous comme vous étiez, et voyons de quelle manière elle recevra votre mort. C’est une chose qu’il n’est pas mauvais d’éprouver; et puisque vous êtes en train, vous connoîtrez par là les sentiments que votre famille a pour vous.