Version Moderne
Version Originale
Frosine, je suis vraiment nerveuse à l'idée de cette rencontre !
Ah ! que je suis, Frosine, dans un étrange état ! et, s'il faut dire ce que je sens, que j'appréhende cette vue !
Pourquoi, qu'est-ce qui te tracasse ?
Mais pourquoi, et quelle est votre inquiétude ?
Tu ne comprends pas ? C'est comme si j'étais sur le point d'être torturée !
Hélas ! me le demandez-vous ? et ne vous figurez-vous point les alarmes d'une personne toute prête à voir le supplice où l'on veut l'attacher ?
Je comprends, tu n'es pas ravie à l'idée d'épouser Harpagon. Tu penses encore à ce jeune homme blond dont tu m'as parlé.
Je vois bien que, pour mourir agréablement, Harpagon n'est pas le supplice que vous voudriez embrasser ; et je connais, à votre mine, que le jeune blondin dont vous m'avez parlé vous revient un peu dans l'esprit.
Oui, c'est vrai. Ses visites respectueuses ont laissé une impression sur moi.
Oui. C'est une chose, Frosine, dont je ne veux pas me défendre ; et les visites respectueuses qu'il a rendues chez nous ont fait, je vous l'avoue, quelque effet dans mon âme.
Mais tu sais qui il est ?
Mais avez-vous su quel il est ?
Non, mais je sais qu'il est charmant. Si je pouvais choisir, je le préférerais à Harpagon. Il rend l'idée de ce mariage encore plus insupportable.
Non, je ne sais point quel il est. Mais je sais qu'il est fait d'un air à se faire aimer ; que, si l'on pouvait mettre les choses à mon choix, je le prendrais plutôt qu'un autre, et qu'il ne contribue pas peu à me faire trouver un tourment effroyable dans l'époux qu'on veut me donner.
Ces jeunes hommes sont séduisants, mais souvent pauvres. Il vaut mieux pour toi d'épouser un homme riche, même s'il est vieux. Ce ne sera pas toujours agréable, mais sa mort te permettra de te remarier avec quelqu'un de plus attrayant.
Mon Dieu, tous ces blondins sont agréables, et débitent fort bien leur fait ; mais la plupart sont gueux comme des rats , il vaut mieux, pour vous, de prendre un vieux mari qui vous donne beaucoup de bien. Je vous avoue que les sens ne trouvent pas si bien leur compte du côté que je dis, et qu'il y a quelques petits dégoûts à essuyer avec un tel époux ; mais cela n'est pas pour durer ; et sa mort, croyez-moi, vous mettra bientôt en état d'en prendre un plus aimable, qui réparera toutes choses.
Mon Dieu ! Frosine, c'est une situation étrange, quand il faut souhaiter ou attendre la mort de quelqu'un pour être heureuse ; et la mort ne suit pas tous nos plans.
Mon Dieu ! Frosine, c'est une étrange affaire, lorsque pour être heureuse, il faut souhaiter ou attendre le trépas de quelqu'un ; et la mort ne suit pas tous les projets que nous faisons.
Tu te moques ? Tu ne l'épouses que parce qu'il mourra bientôt. C'est une condition du contrat. Il serait vraiment impoli de ne pas mourir dans trois mois ! Tiens, le voilà.
Vous moquez-vous ? Vous ne l'épousez qu'aux conditions de vous laisser veuve bientôt ; et ce doit être là un des articles du contrat. Il serait bien impertinent de ne pas mourir dans trois mois ! Le voici en propre personne.
Ah ! Frosine, quelle apparence !
Ah ! Frosine, quelle figure !