L'Avare - Acte 4, Scène 7

Tirade célèbre de Harpagon qui dans un état de désespoir et de confusion intense, découvre le vol de son argent précieux.

Harpagon

Harpagon
Père d'Elise et de Cléante.

Version Moderne

Version Originale

Harpagon
Au voleur ! Au voleur ! À l'assassin ! Au meurtrier ! Justice, bon sang ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m'a coupé la gorge, on m'a volé mon argent. Qui peut-ce être ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que dois-je faire pour le trouver ? Où courir ? N'est-il pas là ? Qui est-ce ? Arrêtez. Rendez-moi mon argent, coquin... Ah ! C'est moi ! Je suis confus et je ne sais pas où je suis, qui je suis et ce que je fais. Hélas ! Mon cher argent ! On me l'a pris et depuis que tu m'as été enlevé, j'ai perdu mon soutien, ma consolation, ma joie , tout est fini pour moi et je n'ai plus rien à faire dans ce monde. Sans toi, il m'est impossible de vivre. C'est fini, je n'en peux plus, je meurs, je suis mort, je suis enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter en me rendant mon cher argent ou en me disant qui l'a pris ? Euh ! Que dites-vous ? Ce n'est personne. Il faut que celui qui a commis le vol ait soigneusement choisi le moment où je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je vais chercher la justice et faire subir l'interrogatoire à toute ma maisonnée , servantes, valets, fils, fille et moi aussi. Il y a tant de gens rassemblés ! Je soupçonne chacun de ceux sur qui je pose les yeux et tout le monde me semble être mon voleur. Hé ! De quoi parle-t-on là ? De celui qui m'a volé ? Quel est ce bruit là-haut ? Est-ce mon voleur qui s'y trouve ? S'il vous plaît, si vous avez des nouvelles de mon voleur, je vous supplie de me les dire. N'est-il pas caché parmi vous ? Ils me regardent tous et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils sont sûrement complices du vol qui m'a été fait. Allons, vite, des policiers, des agents, des juges, des prisons, des potences et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde et si je ne retrouve pas mon argent, je me pendrai moi-même ensuite.
Au voleur ! au voleur ! à l'assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m'a coupé la gorge , on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? n'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin... Ah ! c'est moi ! Mon esprit est troublé, et j'ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! mon cher ami ! on m'a privé de toi ; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie , tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde. Sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait ; je n'en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris. Euh ! que dites-vous ? Ce n'est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu'avec beaucoup de soin on ait épié l'heure ; et l'on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé ! de quoi est-ce qu'on parle là ? de celui qui m'a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l'on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l'on m'en dise. N'est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils ont part, sans doute, au vol que l'on m'a fait. Allons, vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après.
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